La religion est importante dans la civilisation égyptienne, elle l’a amené au plus haut niveau dans la vie des individus. Il n’y a pas de dissociation entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux.
C’est une conception récente de séparer la vie politique et la vie religieuse, cette séparation est très présente en France au XIXe siècle, c’est un concept de laïcité, concept qui n’existe pas en Égypte.
Les liens entre la religion et la politique en Égypte
La société égyptienne fonctionne de manière théocratique, le pharaon est l’égal des dieux et a au moins trois filiations avec eux. Il est d’abord fils d’Osiris, nommé également protecteur de son père. Il est régulièrement représenté sous les traits d’Osiris. Il est le défenseur cosmique, contre le chaos, le pharaon a une dimension solaire. Le pharaon est également le représentant d’Horus sur terre. Ces filiations divines sont en tout temps rejouées par les pharaons.
De plus, en Égypte il n’y a pas de bien et de mal, simplement l’ordre contre le chaos, le pharaon est le gardien du statu quo entre ces deux états. Ces filiations permettent de légitimer le pouvoir, en lien le pharaon aux dieux. C’est également un moyen pour les usurpateurs de légitimer leur arrivée sur le trône, comme il a été possible de le voir avec la belle-mère de Thoutmosis III, Hatchespout.
La religion est donc omniprésente dans la civilisation égyptienne :
- Imbrication des rôles religieux et politiques au cœur des relations entre temples et pharaons
- Régime théocratique ou le souverain est divinisé à l’égal des dieux
Le pouvoir religieux en Égypte marque sa domination sur le sol des hommes, par des temples. Ils possèdent de nombreuses caractéristiques avec des objectifs différents pour l’élite religieuse. Ils sont un moyen de galvaniser le peuple autour de dieux protecteurs, en fonction des villes et du pharaon.
Le temple dans la cosmogonie égyptienne
Le temple n’est pas un bâtiment à proprement parler, mais un espace sacré, matérialisé d’une certaine manière entre le monde profane et le monde sacré, c’est un espace fragile et menacé. Il faut donc le protéger. Cette frontière est à l’origine céleste, entre le monde des hommes et des dieux, les temples font donc le lien entre les deux.
Il existe trois types de temples en Égypte. Le temple divin correspond à la demeure d’un dieu. Le plus ancien d’entre eux est le temple d’Horus à Hiérakonpolis, dans ces temples se trouvent des représentations des dieux ou au moins leurs noms et des représentations de leur pouvoir politique. Les égyptologues ont retrouvé la Palette de Narmer dans le temple d’Horus à Hiérakonpolis, un objet du pouvoir politique.
Le temple funéraire est l’endroit où le pharaon est enterré, il abrite sa dépouille. Ces temples protègent pour l’éternité le sarcophage du pharaon et d’innombrables trésors. L’un des temples funéraires les plus imposants est celui de Djoser à Saqqarah.
Durant le Nouvel Empire, il va y avoir l’apparition d’un troisième type de temple, les temples mémoriels, aussi appelés temples de millions d’années (terme hiéroglyphique). Ce temple a pour objectif de conserver la mémoire d’un pharaon pour l’éternité. À la différence du temple funéraire, la dépouille du pharaon n’y est pas conservée. À Deir el-Bahari se trouvent les restes du temple mémoriel d’Hatchespout. Ces temples servaient également d’outil de domination économique, que ce soit en grenier ou réserve de matériaux précieux.
En conclusion, les temples sont des espaces sacrés (templum et téménos : espace sacré séparé du monde profane), il en existe trois types différents en Égypte :
- Temple divin
- Temple funéraire
- Temple mémoriel (de millions d’années)
Le pharaon comme premier ouvrier du temple
La construction d’un temple dans la civilisation égyptienne répond à certains nombres de règles. L’une des règles les plus importantes est le lien important entre le pharaon et tout le processus d’édification du temple.
Plusieurs étapes sont directement liées au pharaon, que ce soit en phase préliminaire ou durant l’inauguration du temple.
Voici quelques règles strictement réglées qui correspondent à la construction du temple, il existe bien d’autres codification liées à ces structures et même des règles qui varient pour la même cérémonie du temple. Les règles changent parfois d’ordre en fonction des textes et des temples.
- « Tendre le cordeau » [Objectif : délimiter l’espace sacré]. Le pharaon est le seul à pouvoir le faire. Il est aidé par la déesse de l’écriture, des bibliothèques, des grands événements, des années de règne, Séchat. Ils plantent quatre piquets reliés entre eux par un cordeau, ils délimitent l’espace du temple. Cette étape se fait la nuit car elle s’appuie sur les étoiles, en particulier la Grande Ourse. L’orientation du temple a son importance, expliquant la nécessité de se fier aux étoiles.
- « Creuser la Tranchée » [Objectif : pour obtenir un niveau horizontal parfait et alimenter le temple en eau]. La réalisation des tranchées avait pour objectif d’atteindre la nappe phréatique et de faire arriver l’eau aux fondations du temple. Une fois que l’eau apparaît dans l’ensemble des tranchées, se traduisant par une similitude de profondeur, il était alors possible de passer à l’étape suivante.
- « Verser le sable » : [Objectif : purifier l’espace du temple]. La terre profane est remplacée par le sable sacré. Cette étape permet de niveler l’ensemble des fondations du temple, permettant par la suite de disposer plus facilement des blocs de pierre.
- « Mouler une brique » [Objectif : lancer la phase de construction du temple]. Le pharaon effectue les premières moulures de briques, ce qui permet de lancer l’édification du temple par les ouvriers. Toutefois, les temples n’ont pas toujours été construit en briques. La brique a laissé la place à de la pierre.
- « Dépôts de fondation aux quatre angles du temple » [Objectif : offrande de matière utilisée dans la construction du temple]. Ces briquettes sont des matériaux précieux (or, pierres, etc.). Elles sont placées par le souverain. Il est possible de trouver dans les dépôts de fondation beaucoup de pierres précieuses déposées par le Pharaon
- « Bâtir le temple » [Objectif : lance officiellement la construction du temple par les ouvriers]. Le pharaon se charge d’effectuer (représentation) les premières taches de construction, déplacement des pierres, pose de la première pierre figurant comme le début de l’élévation du temple.
- « Répandre du natron » [Objectif : purifier le sol du temple]. Le pharaon dépose du natron (une sorte de sel, mais la composition du natron est encore floue) sur le sol du temple, afin de le purifier.
- « Remettre le temple à son maître » [Objectif : consécration du temple]. L pharaon remet le temple aux dieux en leur transmettant des espèces de clés.
- « Inaugurer le temple : accomplir le rituel de la fête » [Objectif : Inaugurer le temple]. l’espace sacré est purifié une dernière fois, encensé. Il est offert aux dieux après que la statue du dieu ait été déposée. L’ipostat du dieu passe par cette statue après que le pharaon est brisé ce qui le retenait.
Le pharaon est représenté partout, il est le prêtre par excellence, mais pour des questions techniques le pharaon ne peut pas se trouver dans tous les temples d’Égypte. Il donne donc une partie de ses « pouvoirs » aux prêtres afin qu’ils jouent le rôle du pharaon où il ne se trouve pas.
Les temples sont inutiles sans les pouvoirs du pharaon, les prêtres également. Dans l’iconographie des temples, il n’y a quasiment jamais de représentation des prêtres, ils sont toujours remplacés par le pharaon qui est à la base de cette sacralisation. Il a le pouvoir de révoquer un prêtre et donc de lui faire perdre toutes importances dans le temple. Le pharaon et les prêtes doivent quotidiennement faire des actes religieux dans les temples :
- Première étape : le roi est purifié. (Lustration)
- Deuxième étape : le roi suit le rituel de la montée royale. (Montée royale)
- Troisième étape : le couronnement par le dieu du temple en question. (Intronisation)
Ces actes religieux peuvent également incorporer des offrandes dans leur processus :
- Offrande ordinaire : encens(…), ce rituel a pour but de faire venir le dieu et il est effectué avant l’aube. Il veut attirer la bonne grâce des dieux sur le peuple égyptien.
- Offrande extraordinaire : Obélisques, statue (…), ce rituel est réalisé en extérieur, en public, le peuple peut voir les deux. Obélisques en offrande par Hatchepsout au dieu Amon.
Quelques liens et sources utiles
Bernard Lugan, Histoire de l’Egypte : Des origines à nos jours, Editions du Rocher, 2021
Anne-Sophie von Bomhard, Le calendrier égyptien, une œuvre d’éternité, Londres, Periplus, 1999
Isabelle Franco, Nouveau Dictionnaire de Mythologie Égyptienne, Paris, Pygmalio/Gérard Watelet, 1999
Claire Lalouette, Textes sacrés et textes profanes de l’Égypte ancienne II : Mythes, contes et poésies, Paris, Gallimard, coll. « Connaissance de l’Orient », 1994
Harco Willems, Les textes des sarcophages et la démocratie, éléments d’une histoire culturelle du Moyen Empire égyptien, Paris, Éditions Cybèle, 2008