Le “Renard du Désert”, Erwin Rommel, est affecté en France depuis 1943. Il est chargé d’accélérer la construction du mur de l’Atlantique, un méga-projet visant à protéger le Reich d’un débarquement allié.
L’Allemagne se doute que les Alliés réaliseront un tel plan. L’emplacement exact n’est pas découvert. Pendant un temps, Hitler martèle que ce sera en Normandie, mais il change d’avis peu de temps avant sa réalisation. Il considère maintenant que ce sont les ports en eaux profondes du nord de la France qui verront arriver les Alliés.
La défense du mur est donc inégale, et malgré la présence du plus jeune maréchal de l’Armée allemande, les troupes allemandes sont impréparées et en territoire hostile.
Erwin Rommel, l’homme qui doute
La fin de la campagne en Afrique n’a pas été bonne pour Rommel. L’Afrikakorps a connu d’importants revers. Son retour à Berlin, qu’il pensait n’être que temporaire, le temps de se remettre en forme et de rééquiper son armée, devient un retour définitif en Europe. Il se sent floué et commence à ressentir du dégoût pour les hautes autorités nazies.
« Quant à ce gros lard [Göring], la situation tragique de nos armées ne semblait pas du tout le troubler. Il faisait alors la roue et se rengorgeait sous les grossières flatteries de tous les imbéciles qui composent sa cour, ne parlant que de bijoux et de tableaux. Une telle attitude m’aurait peut-être amusé à un autre moment, mais alors elle ne cessa de m’exaspérer. Goering était possédé d’une ambition absolument démesurée. Sa vanité et son orgueil ne connaissaient aucune limite. »
Un écrit d’Erwin Rommel
Il effectue quelques missions, notamment en Grèce, mais est finalement définitivement positionné sur le mur de l’Atlantique, en France.
Inspecteur des fortifications à l’Ouest
Il devient le 5 novembre 1943 inspecteur des fortifications à l’Ouest. Il organise les défenses et les améliore grandement. Il est notamment connu pour initier l’installation de milliers d’asperges de Rommel. Ce système de défense relativement rudimentaire consistait en l’installation de pieux de 4 à 5 mètres dans les champs et autres terrains plats, afin d’interdire l’atterrissage de planeurs et autres avions alliés.
À partir du 15 janvier 1944, il devient chef du groupe d’armées B. Initialement installé dans le nord de l’Italie pour prévenir une potentielle attaque alliée, le groupe est déplacé dans le nord de la France. Le quartier général d’Erwin Rommel est installé au château de La Roche-Guyon, d’où il pilote la défense des côtes de la Manche.
Loin de ses hommes
Le dimanche 4 juin à 7 heures, Erwin Rommel part de La Roche-Guyon, direction l’Allemagne. Les météorologues allemands annoncent du mauvais temps pour les jours à venir. Pour Rommel, il est impossible que les forces alliées débarquent maintenant.
Cette constatation n’est pas complètement dénuée de réalité. Le général Dwight Eisenhower a déjà décalé le débarquement, initialement prévu le 5 juin. Il ne lui reste que le 6 et le 7 juin pour lancer l’opération. En effet, elle demande trois conditions essentielles : une météo favorable, une marée basse et un lever de lune tardif.
« Si vous pensez qu’ils arriveront par beau temps, en empruntant l’itinéraire le plus court et qu’ils vous préviendront à l’avance vous vous trompez… Les Alliés débarqueront par un temps épouvantable en choisissant l’itinéraire le plus long… Le débarquement aura lieu ici, en Normandie, et ce jour sera le jour le plus long. »
Les mots d’Erwin Rommel, en avril 1944 lors d’une inspection du mur de l’Atlantique
Le départ de Rommel est donc lié à la météo et à la difficile possibilité de prévoir le temps pour les Allemands, qui ne possèdent pas d’antenne plus à l’ouest. Ce détail offre la possibilité pour les Alliés de déclencher le débarquement le 6 juin 1944, eux qui peuvent prévoir plus facilement le temps grâce aux données en provenance de l’Atlantique et des États-Unis.
Le retour de Rommel en Allemagne a pour objet personnel l’anniversaire de sa femme, et aussi de rencontrer Hitler pour le convaincre de lui fournir deux divisions de panzers pour protéger les côtes du Calvados.
Un contre attaque impossible
Le débarquement ne suscita pas l’inquiétude première des Allemands, qui considéraient cette opération comme une diversion destinée à éloigner les troupes allemandes des ports du nord de la France. Ainsi, des divisions entières ne bougèrent pas, alors qu’elles auraient pu faire la différence pour repousser les troupes alliées.
Rommel fut informé vers 10h15 des événements en Normandie. Il reprit la route (toujours en voiture, l’espace aérien n’étant plus du tout sûr pour les avions allemands) en direction de son quartier général.
Erwin Rommel est définitivement écarté du front normand le 17 juillet 1944, lorsque sa voiture est attaquée par des Spitfire. Le chauffeur est tué, la voiture accidentée, et Rommel gît inconscient. En parallèle, une affaire éclate qui clôturera définitivement le passage de Rommel en Normandie.
La suicide d’Erwin Rommel
Ouvertement sensible à la paix avec les Occidentaux, Rommel s’écarte de la ligne de pensée d’Adolf Hitler. Il préconise d’écarter Hitler du pouvoir et de le juger, puis se range du côté de la frange dure des conspirationnistes, qui souhaite l’assassinat du Führer.
Le 20 juillet 1944, un attentat à la bombe a lieu dans la tanière du loup, mais Hitler s’en sort in extremis. La SS traque tous les officiers et conspirateurs. Rommel, ne faisant pas partie des membres du premier cercle de la conspiration, n’est pas inquiété par la répression de juillet et août.
Il reçoit cependant en octobre 1944 l’ordre de se suicider en échange de la préservation de son honneur et de sa famille. Il s’exécute le 14 octobre. Des funérailles nationales ont lieu le 18 octobre pour masquer la vérité et ménager l’opinion publique, qui commence à s’inquiéter de la guerre qui approche.
Quelques liens et sources utiles
Le jour le plus long, Le Figaro Hors-série, 2024
Florence Dartois, Le débarquement en Normandie à la radio : le poids des mots, INA, 2024
Jacques Pessis, Les Français parlent aux Français, Omnibus, 2011
Claude Quétel, La Seconde Guerre mondiale, Tempus Perrin, 2018