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Jacques Vasseur le collaborateur du Maine-et-Loire

Jacques Vasseur est un auxiliaire de la Gestapo à Angers durant la Seconde Guerre mondiale, responsable de la mort de 230 personnes.
Vasseur en compagnie de la Gestapo d'Angers sous l'occupation - Archives départementales de Maine-et-Loire | Creative Commons BY-SA 4.0
Vasseur en compagnie de la Gestapo d’Angers sous l’occupation – Archives départementales de Maine-et-Loire | Creative Commons BY-SA 4.0

La Seconde Guerre mondiale a fracturé la population française entre collaborateurs, résistants et attentistes. Jacques Vasseur a été de ceux qui ont activement collaboré. Dès 1940, il se rapproche des occupants, et en 1943, il devient le chef du service des agents auxiliaires de la Gestapo d’Angers et de Nantes.

Il croise sur sa route le couple de résistants Noëlla Rouget et Adrien Tigeot, qui feront partie de sa longue liste de victimes. La première survit à sa déportation au camp de Ravensbrück, le second est fusillé à Belle-Beille avec six autres camarades.

De l’excellence, à la médiocrité !

Jacques Vasseur est un jeune homme de bonne éducation, fils d’un père employé par la Banque de France. Il grandit dans le Nord de la France et passe régulièrement ses vacances dans le Bade-Wurtemberg, en Allemagne, pays de naissance de sa grand-mère maternelle.

Il étudie à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC) et en sort diplômé en 1941. Il avait été envoyé par son père à l’été 1940, après que Jacques Vasseur soit devenu interprète pour la Kommandantur d’Angers. Partisan de la paix et profondément anti-allemand, son père n’accepte pas que son fils s’acoquine avec l’occupant.

La Kommandantur d’Angers

Angers devient un centre important pour les Allemands, au même titre que Dijon, Paris et Saint-Germain-en-Laye. La ville est au cœur du dispositif des services de renseignements de la sécurité de l’armée allemande (Abwehr). Les membres travaillent de concert avec la police secrète de campagne (GFP). L’objectif est simple : mettre à mal les réseaux de résistance et faire tomber tous les ennemis du Reich (communistes, juifs…).

En 1942, les polices de sécurité du Reich et de la SS (Sipo-SD) s’installent à Angers, sous l’autorité du Kommandeur SS Hans Dietrich Ernst. L’antenne d’Angers fonctionne avec une centaine d’Allemands et 70 à 80 Français. La Sipo-SD de la région est responsable de plus de 5 500 arrestations et/ou déportations. La section 4N, dont Jacques Vasseur est membre, prend de l’importance à compter du début de 1944.

Jacques Vasseur le fin limier

Il intègre la Gestapo comme interprète, mais évolue rapidement dans la hiérarchie. Il devient l’un des chefs de la section 4N. Jacques Vasseur a la confiance des Allemands et est libre de recruter le personnel qu’il souhaite, souvent des membres du parti Franciste, qu’il a rejoint lors de ses études à Paris.

Jacques Vasseur jouit d’une grande liberté de manœuvre en opération grâce à ses résultats, tant par la qualité des renseignements que par les groupes qu’il démantèle. Il plaît tellement à l’occupant qu’il est envoyé en 1943 à Berlin pour suivre une formation.

Son passage à la Gestapo a été terrible pour de nombreuses personnes. En effet, il est responsable de l’arrestation de 430 personnes, de la déportation de 310 autres et de la mort de 230 individus.

Noëlla Rouget et Adrien Tigeot

Parmi les personnes qui ont croisé son chemin, notons Noëlla Rouget et Adrien Tigeot, deux instituteurs résistants du Maine-et-Loire. Ils sont arrêtés peu de temps avant leur mariage : Adrien le 7 juin 1943 et Noëlla le 23 juin. Ils sont tous deux emprisonnés à la prison d’Angers, le Pré-Pigeon.

Noëlla Rouget, en uniforme de guide de France, photo prise en 1934 - Auteur inconnu | Creative Commons BY-SA 4.0
Noëlla Rouget, en uniforme de guide de France, photo prise en 1934 – Auteur inconnu | Creative Commons BY-SA 4.0

Avant d’être fusillé le 13 décembre 1943, Adrien écrit une lettre pour sa fiancée lui demandant : “de vivre, de l’oublier et d’aimer“. Noëlla n’aura connaissance de cette lettre qu’à son retour à Angers, après la guerre. Elle est déportée le 9 novembre 1943, d’abord à Compiègne, puis le 31 janvier 1944, par le convoi des 27 000, vers le camp de concentration de femmes de Ravensbrück.

Le double procès de Jacques Vasseur

Après le débarquement allié du 6 juin 1944 en Normandie, Jacques Vasseur fuit vers l’Allemagne, à Heidelberg. La Libération en France provoque de nombreux procès de collaborateurs ; pour les femmes, le procès est souvent expéditif et humiliant, avec des tontes en place publique.

Condamné à mort par contumace

La cour de justice d’Angers condamne Jacques Vasseur à la peine de mort par contumace, alors qu’il est encore en Allemagne au moment du procès. Relativement protégé à Heidelberg, il prend néanmoins le risque de revenir en France, chez sa mère rue Jeanne-Maillotte à La Madeleine-lez-Lille.

Il se terre dans le grenier de la maison pendant 17 ans. Il évite plusieurs fois d’être découvert, notamment lorsque des gendarmes viennent demander à madame Vasseur si elle sait où se trouve son fils. Il est finalement découvert lors d’une énième visite de la gendarmerie, dans la salle de bain, en novembre 1962.

Un second procès s’ouvre, cette fois avec la présence de nombreuses victimes venues d’Anjou et de Bretagne. En tout, 196 personnes affluent au procès.

Le procès de 1965

Jacques Vasseur est jugé par la Cour de sûreté de l’État à partir de 1965. Il est condamné à mort le 18 octobre 1965, après avoir été reconnu responsable de 430 arrestations, 310 déportations et 230 morts. Étonnamment, Noëlla Rouget, rescapée des camps, demande à ce qu’il soit gracié par le président de la République, Charles de Gaulle, ce qui est fait en 1966. Sa peine est commuée en détention à perpétuité, puis ramenée à 20 ans de prison par Georges Pompidou.

Noëlla est décriée par ses camarades de la Résistance.

De quel droit juger un homme si, placé aujourd’hui à notre tour en position de force, nous nous comprtons comme il le fit hier.

Noëlla Rouget dans Graciés de l’Histoire, Marlène Sándor, p.113

Par la suite, elle entretient une correspondance avec Jacques Vasseur en prison, dans l’espoir qu’il exprime des remords, chose qu’il ne fera jamais. À sa sortie de prison, il disparaît sans jamais donner de nouvelles à Noëlla Rouget. Le journaliste Benoît Robert découvre en 2014, à la mairie d’Heidelberg, où Jacques Vasseur s’était installé après sa sortie de prison, qu’il est décédé le 7 février 2009, sans descendance.

Quelques liens et sources utiles

Benoît ROBERT, Sur les traces d’un tortionnaire de la gestapo d’Angers, Ouest-France, 2014

Marc Bergère, “Votre enquête marque un épilogue, mais l’histoire continue”, Ouest-France, 2014

Christophe Turgis, Angers : sur la trace du dernier collabo de la gestapo angevine, France3 Régions, 2014

Jacques Vasseur, le collabo zélé, Affaires sensibles, 2023

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