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Un panorama des archives parlementaires

Les parlements jouent un rôle central aujourd'hui. Mais quelle attention est portée aux archives parlementaires ? À quoi servent-elles ?
Photographie du Palais Bourbon | Photographie personnelle
Photographie du Palais Bourbon | Photographie personnelle

Les parlements jouent un rôle central dans les démocraties. Ils incarnent la volonté populaire et, dans certains cas, agissent comme contre-pouvoir face à un exécutif qui pourrait se révéler trop puissant.

À travers leurs débats, discussions et travaux, ils contribuent à élaborer la législation de la manière la plus optimale, tout en veillant à ce qu’elle reflète les aspirations populaires. Retour sur la manière dont les parlements, principalement français, abordent la question de l’archivage et l’intérêt de ces archives.

Les archives du Parlement français

Prenons l’exemple de l’Assemblée nationale, qui conserve environ quatre kilomètres linéaires d’archives dans ses locales, le reste étant versé aux Archives nationales. La consultation des documents déjà publiés est immédiate, tandis qu’un délai de 25 ans s’impose pour les autres, voire plus dans des cas plus sensibles. Parallèlement, un centre de documentation permet la consultation immédiate d’autres informations. En plus de cette masse physique, l’Assemblée nationale gère également les documents numériques et audiovisuels.

D’autres missions lui sont également attribuées, comme l’élaboration de biographies des anciens députés, afin d’éclairer au mieux le parcours des élus. L’objectif est de permettre au citoyen d’accéder aux informations de la manière la plus simple possible.

Notons d’ailleurs que les services d’archives parlementaires en France jouissent aujourd’hui d’une certaine indépendance vis-à-vis du SIAF (Service interministériel des archives de France), notamment depuis la loi sur les archives de 2008. Cette loi a précisé que le pouvoir exécutif ne devait pas exercer de contrôle sur les archives parlementaires. Or, le SIAF, étant rattaché à l’exécutif par le biais du ministère de la Culture, son influence et ses décisions à l’égard des services d’archives parlementaires pourraient être perçues comme une ingérence dans un service au service du pouvoir législatif.

Pourquoi archiver les documents parlementaires ?

Il existe de nombreux arguments à mettre en avant la conservation des archives parlementaires. Revenons ici sur trois : la publicité, la continuité et la recherche ou valorisation.

La publicité des archives

En France, les deux chambres de la République disposent chacune de services d’archives propres, qui produisent et conservent des documents tels que les projets ou propositions de loi, les rapports, les comptes rendus des débats, etc. Ainsi, le citoyen peut porter un regard objectif et éclairé sur les actions menées par le député de sa circonscription. Cette transparence favorise la publicité de l’information parlementaire et reflète la vitalité démocratique.

L’un des aspects les plus importants de l’archivage parlementaire est la mise à disposition publique des archives. En effet, le citoyen a le droit de s’interroger sur les travaux de son député, afin de vérifier la cohérence entre ses promesses de campagne et son action concrète.

Ce principe de transparence remonte à la Révolution française et aux débuts de la République, avec la loi du 7 messidor an II relative à « l’organisation des archives établies auprès de la Représentation nationale ». Un article de cette loi témoigne de cette volonté de rendre publics les documents parlementaires, en rupture avec le secret qui prévalait en France avant la Révolution.

Tout citoyen pourra demander dans tous les dépôts, aux jours et aux heures qui seront fixés, communication des pièces qu’ils renferment : elle leur sera donnée sans frais et sans déplacement, et avec les précautions convenables de surveillance.

Article XXXVII, Loi du 7 messidor an II

La continuité des débats

Un autre aspect essentiel des archives parlementaires réside dans la continuité des travaux, ainsi que dans la logique de cette continuité lorsqu’on les examine rétrospectivement.

La conservation de cette vaste documentation permet non seulement de faciliter le travail quotidien, mais aussi de relancer les débats en cas de changement.

L’actualité française nous en offre un exemple intéressant. Avec la dissolution de l’Assemblée nationale, prononcée par le président Emmanuel Macron le 9 juin 2024, les travaux en cours ont été interrompus, notamment le projet de loi sur la fin de vie. Bien que ce projet soit suspendu, les députés peuvent s’y replonger, en s’appuyant sur les archives conservées par l’Assemblée nationale.

Tome XVIII des Archives Parlementaires de 1787 à 1860 par Mavidal et Laurent, 1864 | Domaine public
Tome XVIII des Archives Parlementaires de 1787 à 1860 par Mavidal et Laurent, 1864 | Domaine public

La recherche et la valorisation

Comme d’autres services d’archives, les parlements font souvent l’objet de recherches qui nécessitent des déplacements des chercheurs. Que ce soit en histoire ou en sciences politiques, les informations conservées dans ces institutions permettent un suivi détaillé des affaires législatives ainsi que des opinions qui ont pu s’y opposer. Rien qu’à travers les débats conservés, il est possible de mener des études linguistiques, par exemple, pour analyser la manière dont les discussions étaient exercées à l’époque, le vocabulaire utilisé, ou encore la véhémence de certaines

La valorisation des archives joue également un rôle important, comme dans tout autre service d’archives. En tant que garants de la démocratie, les parlements conservent des documents essentiels qu’il est toujours pertinent de mettre en lumière afin d’historiciser l’évolution de notre système politique et de son fonctionnement.

Un exemple marquant est celui du centenaire de 1914, lorsque l’Assemblée nationale et le Sénat ont souhaité participer aux commémorations en valorisant leurs archives. L’objectif était de montrer comment la guerre avait modifié ces institutions. Cela s’est traduit d’un côté par une exposition, et de l’autre, par la publication d’un dossier thématique en ligne pour informer le public. Par exemple, certains rapports confidentiels ont été mis en avant par les services d’archives, tandis que d’autres documents ont été numérisés sur Gallica, en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France (BnF).

Et dans le reste du monde ?

Il est également intéressant d’observer comment l’action se coordonne à l’échelle internationale et de voir quelles relations nous entretenons avec les autres parlements.

Une internationalisation de la question

Sur le plan international, les archivistes se sont organisés pour aborder plus en profondeur la question des archives parlementaires. En 1992, l’ICA (Conseil international des archives) a créé une section dédiée aux archives politiques, composée d’archivistes « travaillant dans les archives des Parlements, des partis politiques et auprès des responsables politiques ».

Logo de l'International Council on Archives (ICA) | Domaine public
Logo de l’International Council on Archives (ICA) | Domaine public

Ces sections jouent un rôle essentiel, car elles permettent l’organisation de réunions où les archivistes échangent sur les situations propres à leurs institutions ou partis indépendants.

Ces échanges peuvent même aboutir à des publications, qu’elles soient de nature scientifique ou destinées à fournir un soutien aux archivistes, comme les Directives générales pour la rédaction de la réglementation sur les archives parlementaires de 2004.

Il est important de souligner la proximité que l’ICA cherche à cultiver entre les archivistes des parlements et ceux des partis politiques. Ce rapprochement et cette collaboration sont d’autant plus essentiels aujourd’hui, car la vie politique est largement structurée par les partis, et les parlementaires indépendants se font rares. Dès lors, grâce au dialogue, il devient pertinent que les partis adoptent des pratiques d’archivage pour mieux documenter leurs activités et les rendre accessibles à leurs électeurs.

Et dans le reste de l’Europe ?

En 1993, une enquête avait été menée en voyant une circulaire à une quarantaine de services d’archives parlementaires, principalement européennes, afin de mieux connaître leurs fonds et leurs pratiques. Bien que cette enquête date de plus de 30 ans, elle reste pertinente pour comprendre comment ces services s’organisaient à l’époque, d’autant plus que les normes et pratiques n’ont pas fondamentalement changé, à l’exception notable de la valorisation, un sujet qui mériterait d’être exploré davantage étant donné les efforts continus dans ce domaine au cours des dernières décennies.

Cette enquête a révélé, tout d’abord, une grande diversité typologique des documents conservés. On y trouve des documents législatifs, des procès-verbaux, des dossiers biographiques sur les parlementaires, des correspondances, des publications, des archives d’anciens députés, des enregistrements et des photographies. La plupart de ces archives sont accessibles au public, ou réservées aux élus, selon des délais de communicabilité qui varient de l’immédiateté sur plusieurs décennies.

De nos jours, la situation s’est considérablement améliorée en termes d’accessibilité des documents, notamment grâce à la numérisation. Certains services ont mis en ligne des informations essentielles, à l’instar du Parlement britannique. Sur le site UK Parlementary Papers, plus de 80 000 documents ont été numérisés, permettant ainsi à une population aussi diversifiée qu’importante de se réapproprier cette histoire.

Pour conclure ce tribunal billet, il est évident que les archives des Assemblées sont essentielles. En France, bien qu’elles jouissent d’une certaine indépendance, elles jouent un rôle central, tant pour les élus que pour les citoyens. Par ailleurs, ces dernières décennies ont vu émerger un dialogue croissant entre archivistes, qui pourrait progressivement conduire à une harmonisation des pratiques sur certains points clés.

Quelques sources et liens utiles

MOREL (Benjamin), Le Parlement, temple de la République : De 1789 à nos jours, Paris, Passés composés, 2024.

BUCHSTAB (Günter), « Les archives parlementaires européennes : structures, nature des fonds, accessibilité des documents », Janus, n°41, 1993, p. 42-48

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