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Les Magdalene Laundries : les blanchisseuses irlandaises

À la fin des années 1990, des femmes irlandaises, victimes des Magdalene Laundries, osent témoigner sur un passé commun et douloureux.
Une Magdalene laundrie irlandaise au XXème siècle
Une Magdalene laundrie irlandaise au XXème siècle | Domaine public

Depuis quelques années, l’Irlande, un des pays les plus conservateurs en Europe, tente d’actualiser les mœurs de la société. Différentes lois participent à cette modernisation sociétale : en 2015, l’État légalise le mariage entre homosexuels puis, en 2018, l’État autorise le droit à l’avortement. La promulgation de ces deux nouvelles lois créée une fracture avec le catholicisme prononcé irlandais.

À partir des années 1990, cette scission avec l’Église catholique débute : des scandales impliquants des membres religieux de l’Église éclatent. L’Irlande, construite sur de vigoureuses mœurs religieuses, découvre une partie malsaine de son histoire : des hommes témoignent, à travers des documentaires, des violences sexuelles et psychologiques subies dans les écoles réservées aux garçons, dirigées par des membres des institutions religieuses.

Durant une époque où l’Irlande apprend cette vérité désobligeante, un autre évènement reste, quant à lui, enterré : celui des Magdalene laundries.

La fondation des Magdalene laundries

Entre 1922 et 1996, les Magdalene Laundries ou « Blanchisserie Madeleine »  représentaient le symbole de l’omniprésence de l’Église catholique dans les mœurs irlandaises.

Au XVIIIème siècle, les Magdalene Asylums voient le jour en Angleterre : ces institutions se voyaient accueillir les mères célibataires et autres femmes dites « perdues » (prostituées, orphelines…). Ces établissements permettaient aux jeunes femmes considérées comme « impures » de se réfugier et d’accoucher en toute discrétion.

Rappelons-le : à cette époque, dans la société anglaise et irlandaise, les femmes, tombant enceinte hors mariage, étaient déshonorées. L’Irlande prend exemple de ce modèle : à la moitié du XVIIIème siècle jusqu’au milieu du XIXème siècle, l’Irlande voit l’émergence de plusieurs institutions laïques dans le but d’aider ces jeunes femmes à se réinsérer dans la société. À partir du milieu du XIXème siècle, l’Église catholique reprend le contrôle de ces établissements laïques : les sœurs deviennent les gérantes de ces institutions ; ces institutions deviendront les Magdalene laundries.

Les sœurs changent les activités au sein de ces institutions : les établissements deviennent des blanchisseries. La morale catholique dictait les règles au sein des établissements, les membres religieux n’exprimaient aucune compassion envers les pensionnaires des Magdalene laundries. Au sein de la société irlandaise, ces nouvelles blanchisseries représentaient un lieu de pénitence et de redressement moral pour toutes ces femmes dites « perdues ».

Les victimes de ces institutions

Au XXIème siècle, la mention des Magdalene laundries laisse place à un sentiment de honte dans la société irlandaise. Pour quelles raisons ?

Au XXème siècle, les valeurs catholiques dominant la morale et les codes sociétale irlandais, les personnes allant à l’encontre de ces principes étaient retirées et invisibilisées de la société (ex : les enfants jugés comme « perturbateur » étaient envoyer en pension). Les femmes n’étaient pas épargnées et représentaient même les premières victimes du puritanisme de l’Église catholique.

Entre 1922 et 1996, environ 10 000 filles et femmes irlandaises furent internées contre leur gré, allant de quelques mois à plusieurs dizaines d’années, dans les Magdalenes laundries. À cette époque, le mariage est le seul cadre légitime de la sexualité et de la procréation.

Les femmes étaient définies par leur activité sexuelle : religieuse, épouse, « vielle fille » ou « femme impures ». Les femmes dites « impures » étaient les prostitués, les mères ayant accouchées d’un enfant illégitime, les femmes victime de viol et les femmes considérées comme « provocatrice » ou « trop jolie » envers les hommes.

Des jeunes filles dites « perdues » étaient également incarcérés (quatorze ans était l’âge moyen d’entrée) : les orphelines, les enfants nés hors-mariage, les jeunes filles violées, et les jeunes filles jugées comme « rebelle » étaient condamnés à vivre dans ces blanchisseries. Les pensionnaires vivaient en retrait de la société ; aucun contact avec l’extérieur n’était toléré. L’objectif était d’invisibiliser ces femmes « impures » et de faire disparaître leurs « pêchés » aux yeux de la société.

Dans la plupart du temps, ces femmes et jeunes filles étaient placés par leur propre famille avec l’aide d’un prêtre. Les proches de ces femmes, honteux des actes volontaires ou involontaires de leur fille, souhaitaient être discret et sauver l’honneur bafoué de la famille.

Dans les Magdalene laundries, les femmes, traitées comme des êtres sans valeurs, devaient faire acte de pénitence pour leurs péchés. Laver le linge symbolisait la purification morale et physique.

Le quotidien dans une Magdalene laundrie

Une journée dans une Magdalene laundrie était marquée par l’humiliation et la violence psychologique. Dès leur arrivée dans la blanchisserie, les sœurs leur attribuaient un nouvelle identité : leur prénom d’origine était remplacé par celui d’une sainte. La modification de leur identité symbolisait l’effacement d’un passé de pècheresse.

Toute forme de beauté physique était rompue : les cheveux des femmes étaient coupés, leurs corps masqués par des tenues informe et peu flatteuse. Leurs cheveux et leur corps symbolisaient le pêché de la vanité.

À la blanchisserie de l'asile anglais, début du XXe siècle - auteur inconnu | Domaine public
À la blanchisserie de l’asile anglais, début du XXe siècle – auteur inconnu | Domaine public

Les journées au sein de ces blanchisseries étaient identiques : les pensionnaires travaillaient pendant des horaires absurdes et dans le silence complet. Le moindre contact verbale et physique entre pensionnaire était sanctionné.

Les femmes, réduite à une forme d’esclavage, ne se voyaient verser aucun salaire. En plus d’être privée de contact social, elles n’avaient accès à aucune source culturelle ou informative : interdiction de lire des livres et journaux et d’écouter la radio. Ce mode de vie poussera des femmes à se ôter la vie ou à perdre toute notion de réalité.

La fin des Magdalene laundries

À partir des années 1970, les pensionnaires étaient libres de quitter les blanchisseries. Cependant, certaines femmes décidèrent de rester : des femmes ayant vécu la majorité de leur vie au sein de ces blanchisseries n’avaient aucune connaissance de l’évolution du monde extérieur. Certaines femmes perdaient toute relation avec les membres de leur famille ; les proches ne voulaient plus entretenir aucun lien avec leur fille.

Les plus jeunes filles n’avaient connu seulement les blanchisseries dans leur vie et n’avaient jamais travaillé, ni gagné de l’argent. Certaines femmes restèrent jusqu’à la fermeture de la dernière blanchisserie en 1996.

La société irlandaise ne connaissaient pas la triste et violente réalité des blanchisseries. Les anciennes pensionnaires se taisaient : les femmes ayant quitté les institutions ont la plupart refait leur vie en Angleterre. Elles gardaient le secret auprès de leur famille, se sentant honteuse.

La révélation des Magdalene laundries

En 1993, l’Irlande fait une découverte macabre : une dizaine de squelettes féminines sont enterrés sur le site d’une ancienne Magdalene laundries à Dublin. Ces corps sont enterrés anonymement et sans certificat de décès. L’exhumation des corps reste inaperçue ; le scandale reste enterrée. Pourtant, à la fin des années 1990, quelques victimes des Magdalene laundries osèrent parler de leur vécu et des violences subies dans les blanchisseries : malheureusement, le sujet resta dans l’ombre.

L’État ne reconnait aucune responsabilité et aucune contribution dans l’affaire des Magdalene laundries, celui-ci refuse de mener la moindre enquête afin de rendre justice à ces femmes. En 2013, une institution privé révèle la contribution financière indirect du gouvernement irlandais auprès des Magdalene laundries. L’État irlandais utilisait le service de blanchisseries des Magdalene laudries pour les hôpitaux, les membres religieux et les services publics irlandais.

En février 2013, l’État irlandais reconnait officiellement sa responsabilité et sa participation dans la gestion de ces blanchisseries. Des enquêtes officielles tentent de mesurer le degré d’implication de l’État dans les Magdalene Laundries : les enquêtes révèlent l’implication de la police irlandaise, des tribunaux et des services de santé dans l’incarcération de ces jeunes femmes. Ces révélations bouleverse l’opinion publique.

L’État Irlande met en place des aides psychologiques et financières pour les victimes : thérapies, accès à des soins gratuits, pensions (certains femmes vécurent toute leur vie dans ces blanchisseries, il leur été impossible de cotiser une retraite). Les victimes se battent pour faire valoir leur histoire ; elles demandent au gouvernement irlandais la reconnaissance officielles des fautes commise par l’institution religieuse.

Une question reste en suspens : que sont devenus les enfants des mères célibataires ?

En 2014, à Tuam dans le comté de Galway, l’Irlande découvre, dans une fosse commune, l’existence de 796 squelettes d’enfants et de bébés. D’après les analyses, ces jeunes enfant et bébés serai décédés de malnutrition et de maladies infantiles. Les sœurs catholiques s’occupaient de ces jeunes enfants et participaient illégalement à un trafic humains. De plus, certains de ces enfants étaient adoptés par des familles étrangères. Après leur libération, des femmes recherchèrent leur enfant volé sans jamais le retrouver.

Justice for the Magdalenes, comité de défense pour les femmes victimes des Magdalene laundries, souhaite faire reconnaître le système des Magdalene laundries comme une atteinte au droit humain. À ce jour, aucun procès, ni aucune confrontation n’a eu lieu entre les survivantes et leurs « bourreaux ».

En dépit du travail des femmes bénévoles et la numérisation des archives, la mémoire de cette triste affaire reste enfouie dans la mémoire collective irlandaise.

Beaucoup de questions restent sans réponses : Combiens de femmes se sont suicidées durant leur incarcération ? Combiens de femmes ont sombré dans la folie ? Combiens de bébés ont été arrachés à leur mère ?

Quelques liens et sources utiles

FOSSAERT Camille. Les Magdalenes d’Irlande et leurs illégitimes bébés dans Vie sociale et traitements, 2009.

SEBBANE Nathalie. Les Magdalene Sisters – l’enfer du couvent sur France Inter, 2018.

SEBBANE Nathalie. Les silences de l’Irlande dans La vie des idées, 2018.

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Une réponse

  1. En conséquence de ces drames, sorte de génocide envers des jeunes femmes déjà meurtries, traumatisées par leur viol, est le rejet de la religion, sinon de la croyance.
    Le catholicisme, mais aussi le protestantisme sont mis à mal par un conditionnement digne du moyen-âge.
    Que disent leurs hauts dignitaires de leurs responsabilités sur ces horreurs, l’élimination de milliers d’enfants, de femmes ?
    Comment continuer à croire, ne serait-ce qu’en l’être humain ?

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