Depuis 1775, la guerre fait rage entre les colonies américaines et l’Angleterre. L’arrivée de la France à partir d’avril 1778 après la victoire américaine à Saratoga rebat les cartes du conflit. Les Français qui affrontent dans un premier temps les Anglais aux Antilles s’apprêtent à intervenir en septembre 1779 dans les colonies américaines et faire basculer définitivement le conflit à Yorktown.
L’échec des Franco-Américains au siège de Savannah
Fin 1778, alors que les combats font toujours rage dans les colonies du nord avec pour épicentre New York, l’Angleterre cherche à prendre le contrôle des États du sud acquis aux Américains. La ville de Savannah en Géorgie, entourée de marécages, clé de l’État avec son accès direct sur l’Atlantique et peu défendue les intéresse particulièrement.
C’est ainsi que fin décembre 1778, une armée de 3500 soldats anglais commandés par le général Campbell s’empare de Savannah sans grand problème en capturant la moitié des quelques 800 effectifs américains hors de la ville. Les Anglais tentent ensuite une incursion en Caroline du Sud qui échoue.
Les Américains veulent reprendre la ville le plus rapidement possible et font appel à leurs alliés français. Ainsi, début septembre 1779, une flotte française commandée par l’amiral d’Estaing et ses 3000 soldats se présente devant Savannah et rejoint le général américain Lincoln avec son armée de 6 000 hommes. L’alliance franco-américaine se retranche afin de creuser de son côté des fortifications et d’installer des batteries. Mais les ravitaillements sont difficiles à acheminer en raison du terrain impraticable et les stocks s’épuisent rapidement tout comme les hommes.
En face, le général Britannique Prevost qui n’a que 2300 hommes fait renforcer les fortifications de la ville grâce à plusieurs milliers d’esclaves qu’il réquisitionne.
Le bombardement de la ville débute le 3 octobre mais l’attaque lancée le 9 octobre échoue. En effet, un espion américain passé chez les Anglais a dévoilé le plan de l’attaque. L’amiral d’Estaing obstiné lance un nouvel assaut et est lui-même blessé. Le siège échoue et les pertes sont importantes du côté allié avec 228 tués français et américains pour à peine 40 côté britannique.
La flotte de l’Amiral d‘Estaing repart donc vers Brest à la fin de l’année 1779. La défaite de Savannah acte la prise de la Géorgie par les Anglais. Mais ces derniers veulent continuer au nord pour faire tomber la Caroline du Sud.
La trahison de Benedict Arnold
À ce moment critique pour l’armée américaine se déroule de surcroît l’une des plus grandes trahisons de l’histoire américaine : celle du Major General Benedict Arnold. En effet, celui-ci a toujours en travers la bataille de Saratoga en octobre 1778 où son commandement pourtant déterminant n’a pas été reconnu, toute la gloire étant allée au général Horatio Gates.
Arnold, nommé gouverneur de Philadelphie en juin 1778 rencontre à cette époque une femme connue pour ses positions loyalistes (en faveur de l’Angleterre) qu’il finit par épouser. Humilié par l’armée américaine et sous l’influence de sa femme, l’officier décide de basculer du côté britannique.
Il rencontre ainsi des espions au service du général anglais Clinton et commence à leur transmettre par l’intermédiaire de sa femme des informations confidentielles. Les Britanniques veulent des renseignements sur West Point, point stratégique du fleuve Hudson situé à environ 100 km au nord de New York qui permet aux Américains d’être ravitaillés par les colonies du nord.
Arnold, déjà surveillé pour certaines actions personnelles est notamment passé en cour martiale pour avoir détourné des chariots de ravitaillement. Acquitté, il démissionne néanmoins de son poste de gouverneur de Philadelphie en avril 1779 afin de préparer son évasion.
Suivant le plan conclu avec les Britanniques, Arnold affaiblit volontairement la garnison de West Point en envoyant de nombreux soldats en patrouille. Mais l’espion transportant les informations destinées au général anglais Clinton est arrêté.
Arnold fuit précipitamment le 24 septembre 1779 en rejoignant le navire britannique HMS Vulture. Il est nommé général de brigade dans l’armée britannique et s’adonne à combattre férocement ses anciens compatriotes. Envoyé premièrement en Virginie, il détruit tout ce qui est sur sa route.
Les revers américains en Caroline du Sud
Entre-temps, les Anglais galvanisés pour la conquête de la Géorgie, poursuivent leur route au nord et entrent en Caroline du Sud.
Le général anglais Clinton débarque en février au large de Charleston avec une flotte de 14 000 hommes qu’il a fait appareiller depuis New York. Il encercle la ville de Charleston et défait le général américain Lincoln le 12 mai 1780 qui doit capituler avec ses 5 000 hommes. Clinton laisse sur place le général Cornwallis et 6 000 soldats avec pour mission d’assurer la défense des États du sud.
Les Américains tentent de reprendre la province lors de la bataille de Camden le 16 août 1780, où l’armée commandée par le général Horatio Gates est écrasée. En effet, au début de la bataille, le flanc gauche américain composé de miliciens de Virginie est mal organisé et prend la fuite lorsque les soldats anglais chargent. Le flanc droit ne peut alors contenir la brèche et l’armée américaine se fait littéralement transpercer. Les pertes sont lourdes : pour les Américains, 900 morts et blessés sur 4000 hommes contre environ 300 morts et blessés côté britannique. Les Américains prennent alors la fuite vers la Caroline du Nord.
La Géorgie et la Caroline du Sud sont désormais aux mains des Britanniques qui disposent d’un point stratégique pour sa flotte avec le port de Charleston. Celui-ci leur permet de faire des blocus navals sur les provinces voisines et de pouvoir intervenir rapidement aux Antilles.
L’avancée périlleuse des Anglais en Caroline du Nord
Les Anglais, forts de leur succès en Géorgie et Caroline du Sud, continuent leur marche au nord sous les ordres de Cornwallis.
L’objectif est de prendre le contrôle de la Caroline du Nord et de la Virginie afin d’éliminer définitivement l’armée américaine.
Cornwallis lance une première offensive britannique sur la Caroline du Nord début septembre 1780 mais est lourdement défait à la bataille de King’s Moutain où l’armée de 900 hommes de son adjoint Ferguson est anéantie.
Une deuxième offensive est lancée à Cowpens en janvier 1781 mais les Anglais sont battus grâce au génie tactique du colonel Daniel Morgan. En effet, ce dernier a préparé une ruse. Une première ligne de miliciens postée à la rencontre des Anglais feint la panique en voyant les tuniques rouges approcher et s’enfuie dans les bois. Les Anglais qui pensent avoir l’avantage du terrain les suivent. Une fois enfoncés dans la forêt, des soldats continentaux dissimulés par les arbres font feu massivement et les Anglais sont mis en pièce. C’est une véritable hécatombe côté anglais avec plus de 300 blessés et tués et 600 prisonniers sur le millier d’hommes qui constituait l’armée.
Finalement, les Anglais de Cornwallis obtiennent une victoire tactique lors d’une troisième offensive à Gulfport Court House à la mi-mars 1781. Le général anglais veut faire la jonction avec l’armée de Benedict Arnold en s’emparant de l’État de Virginie qui est au nord.
Début mai 1781, Cornwallis rentre en Virginie sans avoir réellement sécurisé la Caroline du Nord et du Sud. En effet, les troupes américaines se reforment sans cesse et les Anglais ont seulement laissé 8 000 hommes dans des forts. Cornwallis rencontre Benedict Arnold à Petersburg le 19 mai.
Parallèlement, les troupes du général américain Greene profitent du départ anglais et mènent des assauts en avril et mai sur les Fort Watson, Fort Motte puis sur la ville de Camden qu’ils reprennent le 17 juillet 1781. Ces captures enclenchent la perte de tous les forts britanniques de la région. Les villes Savannah et Charleston restent les seules places fortes aux mains des Britanniques.
Chesapeake : la victoire française qui scelle le cours de la guerre
Pendant ce temps, après avoir traversé la Virginie qu’il a mis à feu et à sang, l’Anglais Cornwallis se réfugie avec ses hommes épuisés à Yorktown, ville au bord de la rivière York et de la Baie de Chesapeake. Il doit y attendre le renfort de la Royal Navy envoyée par Clinton de New York.
Le général américain Washington et le général français Rochambeau qui ont échoué à reprendre New York début juillet 1781 décident d’intervenir conjointement en Virginie afin d’encercler Cornwallis à Yorktown.
À ce moment, l’amiral français De Grasse arrive le 28 avril en Martinique avec une flotte d’une centaine de bateaux dont 20 vaisseaux de guerre d’où il chasse la flotte anglaise de l’amiral Hood. Il s’empare de Tobago mi-mai et mouille ensuite à Saint-Domingue où il reçoit l’ordre de Rochambeau de se diriger le plus tôt possible vers la baie de Chesapeake en Virginie, donnant accès sur Yorktown. Il y doit y être rejoint par l’escadre de 18 navires de l’amiral Barras de Saint-Laurent qui stationnait jusqu’alors devant New York.
Washington et Rochambeau, alors eux aussi à New York, rassemblent discrètement une partie de leur armée afin de la faire marcher vers la Virginie sans que les forces anglaises de Clinton ne s’en rendent compte.
De Grasse arrivé à Chesapeake attend la flotte de Barras qui doit bientôt le rejoindre. Le 5 septembre, l’amiral français aperçoit alors des navires au loin. Il regarde dans son télescope mais se rend compte que les pavillons sont anglais. C’est une flotte de 19 vaisseaux commandée par l’Amiral Graves qui vient droit sur la position française pour venir en aide au général britannique Cornwallis, piégé à Yorktown.
Aussitôt, De Grasse fait appareiller ses 24 vaisseaux restés au mouillage dans la baie et les fait quitter un par un la rade. Les Anglais ne profitent pas de ce laps de temps et se mécomprennent pour mettre leurs vaisseaux en formation. Au large de la baie, la flotte anglaise se présente ainsi en file indienne quand les Français arrivent alignés. Lorsque le combat s’enclenche, les premiers navires anglais sont alors balayés par la puissance de feu française. Cinq vaisseaux sont touchés lourdement et la flotte anglaise doit alors battre en retraite.
La reddition définitive des Britanniques à Yorktown
La flotte française de l’amiral De Grasse rentre ensuite dans la baie de Chesapeake où elle retrouve la flotte de Barras, tout juste arrivée ainsi que les armées de Washington et Rochambeau.
C’est maintenant une force conjointe de 36 vaisseaux de lignes (regroupant 19 000 hommes) ainsi que les 16 000 hommes de Washington, Rochambeau et Lafayette qui assiègent Yorktown renfermant les 6 000 soldats britanniques de Cornwallis. Côté allié, des tranchées sont creusées et plus de 50 canons sont montés. Le 9 octobre, le feu s’abat sur la ville.
Les fortifications anglaises sont rapidement prises par les Franco-Américains malgré des contre-attaques anglaises dont le stock de munitions et de nourriture s’amenuise. Ainsi, sans ressources, le 18 octobre 1781 au matin, Cornwallis signe l’acte de reddition et de capitulation de l’armée britannique dans l’ensemble des colonies américaines. Près de 8 000 hommes sont faits prisonniers et l’adjoint de Cornwallis O’Hara remet l’épée de son supérieur à Washington. La guerre est enfin terminée.
Un premier traité de paix est signé le 30 novembre 1782 entre Américains et Anglais puis entre l’Angleterre, la France et l’Espagne le 20 janvier 1783. Le traité de Paris et Versailles le 3 septembre acte définitivement la reconnaissance des treize colonies américaines par l’Angleterre.
Les Anglais se retirent des villes de Savannah, Charleston à partir de juillet 1782 et la présence britannique se termine avec leur départ de New York le 25 novembre 1783.
D’un point de vue militaire, on recense près de 35 000 morts américains sur les 300 000 soldats impliqués dans la guerre dont la moitie issue de milices coloniales. En Angleterre, sur les 77 000 hommes dont 30 000 allemands présents, environ 15 000 morts sont comptés. Côté français, 2 000 hommes sont tués sur les quelques milliers de soldats engagés.
Les répercussions économiques et politiques de la guerre d’indépendance
D’un point de vue économique, le coût de la guerre aura été exorbitant des deux côtés. Pour les Américains, leur dette globale s’élève à 165 millions de sterling (21 milliards de dollars actuels) avec des provinces américaines très endettées.
Pour les Anglais, la guerre aura coûté 85 millions de livres sterling qui font une dette globale de 250 millions de livres, déjà aggravée par la guerre de Sept Ans.
Territorialement, la France récupère une partie de ses possessions perdus comme Dunkerque, ses comptoirs en Inde, ses îles aux Antilles (Martinique, Guadeloupe, Sainte-Lucie, Tobago), Saint-Pierre-et-Miquelon et la Haute-Louisiane (partie restante de la Louisiane française). Malgré cela, la dette française explose de son côté atteint 3.3 milliards de livres tournois en 1783 et la situation s’envenime.
Dans les années suivantes, les emprunts américains auprès des Français prennent du temps à être remboursés (seulement une partie en 1815). La situation économique française s’aggrave avec de surcroît le refus des élites françaises de participer aux efforts et conduit à la révolution de 1789. Pourtant c’est bien l’intervention de la France qui a fait basculer la guerre en faveur des Américains.
Quelques liens et sources utiles
Odet Julien Le Boucher, Histoire de la guerre de l’indépendance des Etats-Unis Tome 1, Hachette Livre BNF, 2012
Pascal Cyr et Sophie Muffat, La guerre d’indépendance américaine, PASSES COMPOSES, 2022
Edmond Dziembowski, La guerre de Sept Ans, Tempus Perrin, 2018