L’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) voit le jour officiellement au moment du premier congrès des Soviets en décembre 1922. Cet événement marque officiellement la naissance de l’union communiste en Europe de l’Est.
Un palais, pour les Soviétiques
Un éminent bolchévik, Sergueï Mironovitch Kostrikov propose alors de construire un palais des congrès pour accueillir tous les délégués des républiques de l’Union.
[Le palais sera construit] sur les lieux ayant un jour appartenu aux banquiers, aux propriétaires terriens et aux tsars. [Le palais] sera juste une autre pression en faveur du prolétariat européen, encore endormi […] pour réaliser que nous arrivons pour le bien et pour toujours, que les idées […] du communisme sont aussi enracinées ici que les puits de pétrole le sont à Bakou.
Sergueï Mironovitch Kostrikov.
La mort de Lénine accélère le projet
À la mort de Lénine en 1924, de nombreux mémoriaux sont construits dans l’ensemble de l’URSS. Il a été l’instigateur de la révolution de 1917 et Président du Conseil des Commissaires du peuple de l’URSS. Il marque la flamme du communisme en Europe et dans le monde. Les bolchéviks souhaitent lui offrir un lieu de gloire éternelle.
Victor Balikhine, un jeune diplômé de Vkoutemas (Institut supérieurs d’art et de technique) à Moscou, propose de créer un mémorial pour Lénine au sommet du Komintern. Le projet n’est pas pris au sérieux, mais il sera une importante source d’inspiration pour le futur projet du Palais des Soviets de Boris Iofane.
Premier concours international
Il faut attendre 6 ans pour que l’État s’intéresse de nouveau à la création du Palais des Soviets. En février 1931, un concours public est organisé. Chacun doit se sentir libre de proposer sa vision de ce que doit être le Palais des Soviets. Des propositions préliminaires sont envoyées en parallèle à une quinzaine d’ateliers d’architectes. Aucun style n’est interdit, il y a donc des propositions traditionnelles mais aussi d’avant-gardes.
La fin du concours ne permet pas d’obtenir un lauréat. Néanmoins, le lieu est définitivement validé par une conférence du Parti le 2 juin 1931. L’emplacement du futur Palais des Soviets se trouve sur l’espace de la cathédrale du Christ-Sauveur.
Le Comité exécutif central des soviets valide la décision, et à partir du 18 juin 1931 l’inventaire de l’édifice religieux commence. La démolition se déroule entre le 18 août et le 5 décembre. Il faudra par la suite un an pour que l’ensemble des gravats soient évacués.
Le deuxième concours international
Le deuxième concours est annoncé le jour du début de l’inventaire de la cathédrale du Christ-Sauveur, le 18 juin 1931.
Ce concours intéresse énormément de professionnels, que ce soit en URSS ou à l’étranger. Ainsi, 272 concepts sont recueillis, dont 24 (sur les 160 projets architecturaux) provennant de l’étranger. Des architectes a renommée internationale, comme Le Corbusier, Armando Brasini ou Walter Gropius participent à ce concours.
Durant l’année 1931 et 1932, toute cette agitation provoquée par les différents architectes, magazines et reportages permet au concours et à l’URSS de rayonner à travers le monde.
Trois vainqueurs furent sélectionnés : Boris Iofane, Ivan Joltovski et un jeune architecte britannique, Hector Hamilton, vivant aux États-Unis. Néanmoins, il est évident que l’État a directement commandé les architectes sélectionnés pour qu’ils se mettent davantage à penser leur réalisation dans un style néoclassique ou éclectique.
Cette décision poussa plusieurs autres architectes ayant participé au concours à se révolter, trouvant ce choix complètement insensé.
Cette décision du conseil est une insulte directe adressée à l’esprit de la Révolution et au plan quinquennal. [Elle constitue] une trahison tragique
Plainte de Le Corbusier et Sigfried Giedion.
Le choix du vainqueur pour le Palais des Soviets
Le deuxième concours international fut suivi de deux compétitions de petite échelle, la première entre mars 1932 et juillet 1932 avec quinze équipes en compétition, puis la seconde entre juillet 1932 et février 1933 où cette fois seulement cinq équipes concourent. À la fin de l’ensemble de ces épreuves, le 10 mai 1933, ce sont les travaux de Boris Iofane qui furent déclarés lauréats.
Néanmoins, il se pourrait qu’à la vue de nouveaux éléments découverts – les correspondances de Staline et Lazare Kaganovitch – le choix du vainqueur eut déjà été fait le 7 août 1932. Staline considérait déjà que les travaux de Boris Iofane pour le Palais des Soviets étaient les meilleurs. Il proposait notamment quelques modifications :
- allonger la tour principale, comme une colonne ;
- la rendre aussi grande, voire plus haute encore, que la tour Eiffel ;
- couronner la colonne avec une faucille et un marteau nimbés de lumière ;
- placer des monuments à Lénine, Marx et Engels devant le bâtiment.
Début de la construction du Palais des Soviets
Les fondations du Palais des Soviets furent complétées en 1939. Les anciennes fondations de la cathédrale furent détruites, remplacées par des piles de béton de 20 mètres de profondeur. L’ensemble de la fondation devait être assez solide pour réussir à soutenir les imposantes colonnes du hall principal. À partir de 1941, la charpente d’acier du premier niveau est érigée.
Le début de la guerre contre l’Allemagne mis fin au chantier et l’ensemble de la charpente d’acier fut récupéré entre 1941 et 1942 pour construire des ponts, mais également pour fortifier la ville de Moscou.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le chantier ne reprit pas. En revanche, beaucoup d’architectes inclurent dans leurs travaux le Palais des Soviets, notamment les « Sept soeurs« , qui s’intègrent avec cette construction.
Cet espace sera alors transformé en piscine ouverte à partir de 1958, puis à partir de l’an 2000 c’est la cathédrale du Christ-Saveur qui est reconstruite. Tout ça pour ça.
Quelques liens et sources utiles
Jean-Marie Perouse de Montclos, Moscou, patrimoine architectural, dir. D. Chvidkovski, éditions Flammarion, 1997
Josette Bouvard, Le métro de Moscou : La construction d’un mythe soviétique, France, Éditions du Sextant, 2005
Elisabeth Essaïan, Le prolétariat ne se promène pas nu : Moscou en projets, Parenthèses Editions, 2021