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L’Histoire regorge de récits improbables, mais aussi de périodes complexes qui méritent d’être explorées. Plongez, à travers les séries de Revue Histoire, dans un fragment de notre histoire mondiale.
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Le mot ne dit pas grand-chose. « OPEX », c’est du jargon militaire. Une abréviation discrète, presque anodine, pour désigner une réalité lourde, risquée, complexe : celle des opérations extérieures menées par les armées françaises depuis plus d’un demi-siècle. C’est un mot qui masque. Il évite « guerre », « occupation », « intervention », « représailles ». Il flotte entre action humanitaire et stratégie sécuritaire, entre engagement officiel et conflit sans déclaration.
Mais derrière chaque OPEX, il y a des corps envoyés, des vies bouleversées, des États traversés, des familles endeuillées. L’histoire des OPEX est celle d’une France qui continue à intervenir au-delà de ses frontières, sans toujours nommer clairement ce qu’elle fait. C’est aussi l’histoire de soldats qui, souvent, ne savent pas exactement pourquoi ils sont là.
La France n’a jamais été une puissance confinée à ses frontières. De l’Indochine à l’Algérie, elle a mené des guerres coloniales longues, brutales, parfois niées dans leur nom. Après 1962, les opérations extérieures remplacent les guerres coloniales, mais les logiques persistent : maintien de l’ordre, appui à un pouvoir ami, protection d’intérêts économiques ou stratégiques.
Les premières OPEX de la Ve République se déroulent en Afrique : Tchad, Zaïre, Centrafrique, Djibouti. Le prétexte est souvent le même : sauver un gouvernement légitime, empêcher un coup d’État, évacuer des ressortissants. La Françafrique ne dit pas son nom, mais elle agit.
L’intervention au Liban dans les années 1980 marque une rupture. Les soldats français sont envoyés dans le cadre d’une force multinationale de maintien de la paix. Mais la paix n’existe pas. Le 23 octobre 1983, un attentat-suicide détruit le poste Drakkar à Beyrouth. 58 parachutistes français y perdent la vie.
Le pays découvre que ses soldats peuvent mourir dans une mission floue, sans ligne de front, sans bataille décisive. La guerre, désormais, ne se dit plus comme telle. Elle se vit en silence.
Dans les années 1990, les armées françaises interviennent dans les Balkans, en Bosnie puis au Kosovo, sous mandat de l’ONU ou de l’OTAN. L’objectif affiché : protéger les populations civiles, assurer la paix. Mais la neutralité devient une illusion. Les casques bleus sont pris pour cibles, accusés d’inaction, parfois de partialité.
Au Rwanda, en 1994, l’opération Turquoise est lancée par la France sous mandat humanitaire. Mais les accusations persistent : soutien passé au régime génocidaire, retards dans l’intervention, ambiguïtés politiques. Le rôle de la France reste controversé. L’histoire des OPEX est aussi celle des angles morts, des rapports enterrés, des silences diplomatiques.
En 2001, après les attentats du 11 septembre, la France participe à l’opération Enduring Freedom, puis à la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) en Afghanistan. Le but : traquer les talibans, reconstruire un État, sécuriser Kaboul. Mais le terrain échappe rapidement aux objectifs initiaux.
Les soldats français vivent un conflit asymétrique, miné, dangereux. Ils s’éloignent de leur mission d’origine. Ils tombent dans des embuscades, assistent à l’effondrement d’un pays qu’ils ne comprennent plus. L’OPEX devient guerre, sans le mot.
Même logique au Sahel. L’opération Serval (2013) puis Barkhane (2014-2022) visent à endiguer l’expansion djihadiste au Mali et dans les pays voisins. L’armée française intervient, reprend des villes, forme des troupes locales. Mais elle s’enlise. Les morts s’accumulent. Le soutien politique s’effrite. Le départ de 2022 marque un désaveu sans fanfare.
Les OPEX reposent sur une logique de projection. Les troupes sont envoyées loin, rapidement, avec des objectifs souvent changeants. Le modèle repose sur la professionnalisation : plus de conscrits, mais des engagés volontaires. Cette armée-là n’a plus de lien direct avec la société civile. Elle agit à distance.
Les militaires déployés en OPEX vivent dans une temporalité parallèle : départs, retours, traumatismes. Les civils ne savent pas vraiment ce qu’ils font. La guerre est devenue lointaine, discrète, invisible.
Mais les OPEX laissent des traces : syndromes post-traumatiques, familles brisées, décorations remises à la hâte. La République rend hommage, mais elle oublie vite.
Chaque opération a ses raisons officielles. Défense des droits humains, lutte contre le terrorisme, coopération internationale. Mais les logiques profondes sont plus troubles. Protection d’alliés politiques, accès aux ressources, influence géostratégique, soutien aux multinationales.
L’armée sert alors une diplomatie qui ne dit pas toujours son vrai nom. La guerre n’est plus une rupture, mais un mode de gestion. On ne déclare plus. On « intervient », « stabilise », « forme », « observe ». Le vocabulaire change, mais les balles tuent toujours.
Il n’existe pas de grand récit unifié des OPEX. Chaque théâtre a sa chronologie, ses morts, ses silences. Les anciens d’Afghanistan n’ont pas les mêmes repères que ceux du Tchad. Les soldats de Bosnie n’ont pas croisé ceux du Sahel.
La mémoire nationale peine à suivre. Les cérémonies sont rares. Les monuments, discrets. Les récits, souvent absents des manuels scolaires. Comme si ces guerres sans guerre ne pouvaient entrer dans l’histoire, parce qu’elles n’ont jamais été pleinement assumées.
Les points sont positionnés dans une zone proche (pays, villes, etc.) du thème de l’article sur la carte interactive.
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