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Xénophon et son récit de la bataille de Leuctres

Xénophon nous donne sa vision de la bataille de Leuctres un événement important dans le monde grec, marquant la fin d'une hégémonie.
La bataille de Leuctres selon le récit de Xénophon - Jastrow (photographe) | Domaine public
La bataille de Leuctres selon le récit de Xénophon – Jastrow (photographe) | Domaine public

Un célèbre auteur du monde Grec

Xénophon était un historien, philosophe et chef militaire dans la Grèce antique. Il est né dans la prospère et puissante Cité-État d’Athènes en 430 avant Jésus-Christ. Il est connu pour avoir rédigé trois œuvres célèbres : l’Anabase, la Cyropédie et la suite de l’Histoire de la guerre du Péloponnèse de Thucydide, sous le nom Les Helléniques.

Malgré le fait qu’il a été un citoyen d’Athènes, il est un ami fidèle de la cité de Sparte. Il combat pour cette cité durant une expédition en Perse. C’est cette histoire qui est racontée dans l’ouvrage Anabase. Sans le vouloir, il est l’initiateur des futures conquêtes d’Alexandre le Grand. En effet, Xénophon raconte dans ce récit comment un groupe expéditionnaire composé de Grecs – durant la campagne d’Agésilas – arrivent à traverser l’Asie Mineure alors sous domination du puissant Empire perse.

Le récit de la bataille de Leuctres

Xénophon nous fait le récit de la bataille de Leuctres qui voit s’affronter les cités de Thèbes et de Sparte. Cette bataille est une nette victoire pour Thèbes, mais représente aussi une petite révolution stratégique pour l’emploi de l’ordre oblique. Sparte ne se relève pas de cette bataille et perd l’hégémonie qu’elle possédait sur la Grèce. Nous avons rédigé un article précédemment sur le déroulement de la bataille de Leuctres, selon le récit de Xénophon, nous vous laissons le loisir de le lire en amont.

Récit de la bataille de Leuctres par Xénophon

Voici le texte écrit par Xénophon faisant récit de cet événement en Boétie, le 6 juillet 371 avant Jésus-Christ.

Après l’avoir entendu, assemblée jugea que son discours n’était qu’un simple bavardage. Il semble en effet que déjà elle était sous l’influence d’un mauvais génie. On envoya dire à Cléombrotos de ne pas licencier l’armée mais de marcher droit contre les Thébains, s’ils ne laissaient pas leur autonomie aux villes. […]. Lors donc qu’il apprit que non seulement ils s’opposaient à la liberté des villes, mais qu’ils ne licenciaient même pas leur armée, qu’ils voulaient opposer aux Lacédémoniens, alors il conduisit les troupes en Béotie. […]

Après quoi, quittant la mer, il gravit la montagne et alla camper à Leuctres sur le territoire de Thespies. Les Thébains vinrent camper en face de lui sur une colline assez rapprochée, sans autres alliés que les Béotiens. Là ses amis vinrent trouver Cléombrotos et lui dirent :

« Cléombrotos, si tu laisses aller les Thébains sans combat, tu risques d’être traité par la cité avec la dernière rigueur. […]

[…] De leur côté, les chefs des Thébains considéraient que, s’ils n’engageaient pas l’action, les villes circonvoisines feraient défection […] Comme beaucoup d’entre eux avaient été exilés auparavant, ils se disaient qu’il valait mieux mourir en combattant que de subir un nouvel exil.

Une autre chose encore les enhardissait, c’était un oracle qui courait, d’après lequel les Lacédémoniens devaient être battus à l’endroit où se trouvait le tombeau des jeunes filles qui, disait-on, s’étaient tuées pour avoir été violées par certains Lacédémoniens. Et les Thébains avaient décoré ce monument avant la bataille. On leur annonçait aussi de la ville que tous les temples s’étaient ouverts d’eux-mêmes et que les prêtresses annonçaient que les dieux présageaient la victoire. On disait aussi que les armes avaient disparu du temple d’Héraclès, comme si Héraclès en était parti pour le combat. Mais quelques-uns prétendent que tout cela n’était que des artifices de chefs.

Quoi qu’il en soit, tout, pour cette bataille, était contraire aux Lacédémoniens. tandis que les autres avaient tout pour eux, même les faveurs de la fortune. En effet ce fut après déjeuner que Cléombrotos tint son dernier conseil au sujet de la bataille. C’était l’heure de midi, on avait un peu bu et le vin avait quelque peu monté les têtes.

Comme on s’armait des deux côtés et qu’il était évident qu’on allait livrer bataille, tout d’abord les approvisionneurs, quelques porteurs de bagages et ceux qui ne voulaient pas combattre se mirent en mouvement pour s’éloigner de l’armée béotienne. Mais les mercenaires sous les ordres d’Hiéron, les peltastes des Phocidiens, et, parmi les cavaliers, ceux d’Hèraclée et de Phliunte, faisant un circuit, les chargèrent, les mirent en fuite et les poursuivirent jusqu’au camp des Béotiens, ce qui eut pour effet de rendre l’armée béotienne beaucoup plus, nombreuse et plus dense qu’elle ne l’était auparavant.

Ensuite, comme le lieu qui séparait les deux partis était une plaine, les Lacédémoniens rangèrent leurs cavaliers en avant de leur phalange et les Thébains disposèrent les leurs en face. Mais la cavalerie des Thébains s’était formée dans la guerre contre Orchomène et dans la guerre contre Thespies, tandis qu’à cette époque celle des Lacédémoniens était déplorable.

C’étaient en effet les plus riches qui nourrissaient les chevaux et c’était seulement au moment où l’on faisait une levée que l’homme désigné comme cavalier se présentait ; il prenait le cheval et les armes telles qu’on les lui donnait et il entrait en campagne immédiatement. En outre, c’étaient les soldats les plus faibles de corps et les moins avides de gloire qu’on mettait dans la cavalerie.

Telle était donc la cavalerie des deux partis. Quant à la phalange, on dit que les Lacédémoniens avaient mis chaque énomotie sur trois files (212), de sorte qu’il n’y avait pas plus de douze hommes en profondeur, au lieu que les Thébains s’étaient massés sur une profondeur qui n’allait pas à moins de cinquante boucliers (213). Ils avaient calculé que, s’ils battaient le bataillon du roi, le reste serait facile à vaincre.

Lorsque Cléombrotos commença à s’ébranler contre l’ennemi, avant même que son armée se fût aperçue qu’on marchait en avant, les cavaliers en étaient déjà venus aux mains et ceux des Lacédémoniens avaient eu vite le dessous. En fuyant, ils étaient tombés sur leurs hoplites, chargés aussi par les compagnies de Thébains. Cependant le roi et ceux qui l’entouraient durent avoir l’avantage au début de la bataille ; on peut le conclure d’une preuve positive ; c’est qu’on n’aurait pas pu le relever et l’emporter vivant, si ceux qui combattaient devant lui n’avaient pas eu l’avantage à ce moment.

Mais lorsque le polé-marque Deinon eut été tué, ainsi que Sphodrias un des commensaux du roi, et Cleonymos, son fils, alors la garde à cheval, ceux qu’on appelle aides du polémarque et les autres reculèrent sous la poussée de la masse des Thébains. À ce moment, les troupes lacédémoniennes de l’aile gauche, voyant la droite enfoncée, lâchèrent pied. Cependant, malgré le nombre des morts et leur défaite, les Lacédémoniens, après avoir franchi le fossé qui se trouvait justement en avant de leur camp, mirent leurs armes à terre à l’endroit d’où ils étaient partis, Le camp n’était pas complètement en plaine, mais plutôt en pente montante. Alors il y eut quelques Lacédémoniens qui, trouvant leur malheur insupportable, déclarèrent qu’il fal-lait empêcher l’ennemi d’élever un trophée et, au lieu de demander une trêve pour relever les morts, essayer de le faire en combattant.

Mais les polémarques, voyant que, sur l’ensemble des Lacédémoniens, il y avait près de mille morts et que les Spartiates proprement dits, qui assistaient à la bataille au nombre de sept cents avaient perdu environ quatre cents hommes, et s’apercevant d’autre part que les alliés étaient tous sans courage pour combattre, que quelques-uns mêmes n’étaient pas fâchés de l’événement, assemblèrent les principaux chefs pour délibérer sur le parti à prendre. Tous ayant été d’avis de relever les morts à la faveur d’une trêve, ils l’envoyèrent demander par un héraut. Après cela, les Thébains élevèrent un trophée et accordèrent une trêve pour, as relever les morts.

À la suite de ces événements, le messager chargé d’annoncer le désastre à Lacédémone arriva le dernier jour des Gymnopédies, alors que le chœur des hommes était encore dans le théâtre. En apprenant la nouvelle, les éphores en furent affligés comme ils devaient l’être, je présume (Xénophon n’est pas présent, il relate l’événement). Cependant ils ne firent pas sortir le chœur et laissèrent achever les jeux. Puis ils donnèrent les noms des morts aux parents de chacun d’eux, en recommandant aux femmes de ne pas pousser de cris et de supporter leur malheur en silence. Le lendemain on put voir ceux dont les parents étaient morts paraître en public l’air brillant et joyeux, mais, ceux qui avaient été avertis que leurs parents étaient en vie se montraient peu et ceux d’entre eux qui passaient dans les rues étaient sombres et humiliés.

À la suite de cette défaite, les éphores décrétèrent une levée du reste des mores et prirent jusqu’aux hommes qui avaient dépassé de quarante ans l’âge où l’on enrôle la jeunesse. Ils firent aussi partir les hommes du même âge qui appartenaient aux mores qui étaient hors du pays ; car auparavant ils avaient pris pour l’expédition de Phocide jusqu’aux hommes qui depuis trente-cinq ans étaient en âge de servir. Ils ordonnèrent même à ceux qui étaient restés pour remplir un office public de rejoindre leur more.

Xénophon, Helléniques, VI, 4, 3-17. Tad. P. Chambry, Paris, Flammarion, 1935.

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