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Ruth Bader Ginsburg, celle qui a changé le destin des Américaines

Icône américaine, femme d’exception, héroïne, Ruth Bader Ginsburg est connue pour ses prises de positions progressistes et féministes.
Portrait de Ruth Bader Ginsburg lors de sa nomination à la Cour suprême - Michael Jenkins | Domaine public
Portrait de Ruth Bader Ginsburg lors de sa nomination à la Cour suprême – Michael Jenkins | Domaine public

Ruth Bader Ginsburg, figure emblématique de la Cour suprême des États-Unis, a profondément marqué le combat pour l’égalité des sexes et changé le destin des Américaines.

Sa carrière, jalonnée de succès juridiques, a été déterminante dans la lutte contre les discriminations de genre, faisant d’elle une icône de la justice et des droits des femmes. En tant que deuxième femme nommée à la Cour suprême, Ginsburg a utilisé son intelligence, sa persévérance et son sens de la stratégie pour faire avancer des causes cruciales, telles que le droit à l’avortement, l’égalité salariale et la protection contre le harcèlement sexuel.

Entre héroïne, dissidente et femme d’exception

« Je ne réclame aucune faveur pour les personnes de mon sexe. Tout ce que je demande à nos frères, c’est qu’ils veuillent bien retirer leurs pieds de notre nuque. »

Ruth Bader Ginsburg pour le documentaire « RBG » (Betsy West et Julie Cohen).

Alors que l’arrêt Roe v. Wade ne devient qu’un souvenir aux Etats-Unis, il nous paraît important de revenir sur la vie d’une femme qui a bousculé les codes. Ruth Bader Ginsburg, née Joan Ruth Bader, mais plus connue sous ses initiales RBG, est née le 15 mars 1933 à Brooklyn, New York et décédée le 18 septembre 2020. RBG était une avocate, juriste et juge, principalement connue pour son poste de juge à la Cour Suprême des Etats-Unis (1993-2020). 

Icône américaine, femme d’exception, héroïne, dissidente… voilà comment la qualifient ses supporters, qui l’ont même surnommée Notorious RBG (en référence au célèbre rappeur Notorious BIG – Notorious signifiant « célèbre »). RBG est connue pour ses prises de positions progressistes et féministes. Ses détracteurs, eux, la traitent de sorcière, de zombie, d’anti-américaine.

Son principal ennemi n’est autre que le Président Trump. Etonnant. Pour certains, RBG a changé le destin des Américaines, et représente même l’incarnation moderne de la statue de la Liberté.

Un parcours à l’épreuve du sexisme

Fille d’immigrés juifs russes, RBG est encouragée par sa mère à suivre des études et décide de ne pas être réduite à être « exclusivement bonne épouse et bonne mère ». Elle intègre Harvard en 1956, pour suivre un cursus de droit, où 9 étudiantes seulement côtoient 500 étudiants.

C’est d’ailleurs à ce moment-là que le doyen demandera à ces 9 jeunes femmes pourquoi elles souhaitent prendre « la place d’un homme compétent ». Tout au long de son parcours, RBG ne cessera de se heurter à un plafond de verre. Elle partira donc un temps en Suède, où elle aiguisera ses convictions féministes. 

Les premiers actes féministes de RBG

Lors de son retour aux États-Unis en 1970, RBG co-fonde le Women’s Rights Law Reporter, le premier journal américain à se concentrer exclusivement sur le droit des femmes.

Ginsburg en 1959, portant les insignes de la faculté de droit de Columbia - Columbia University | Domaine public
Ginsburg en 1959, portant les insignes de la faculté de droit de Columbia – Columbia University | Domaine public

Elle participera par la suite à la fondation d’un projet pour le droit des femmes, le Women’s Rights Project, qui travaille sur des cas de discriminations sexistes, puis la section féministe de la fameuse Union Américaine pour les Libertés Civiles (ACLU).

Sur 6 plaidoiries à la Cour suprême contre la discrimination sexiste, elle en gagnera 5.

Enseignante en parallèle à l’Université Columbia, RBG co-écrit un ouvrage sur les discriminations sexistes et devient chercheuse au Centre pour les études avancées en sciences du comportement de l’université de Stanford.

Nomination à la Cour Suprême des Etats-Unis

En 1993, le président démocrate Bill Clinton la nomme à la Cour suprême, faisant d’elle la deuxième femme à être nommée à la plus haute instance du pays. Si elle est considérée comme modérée lors de sa nomination, par l’opinion publique, elle se déportera très rapidement sur la gauche, jusqu’à devenir la juge la plus progressiste du moment, notamment sur les questions d’avortement.

« La décision de porter ou non un enfant est centrale dans la vie d’une femme. Quand le gouvernement prend cette décision à sa place, elle n’est plus un être humain adulte à part entière, responsable de ses propres choix. »

RBG, à propos de l’avortement.

Lors de l’élection de Donald Trump en 2017, RBG est considérée comme « le dernier rempart » aux anti-IVG.

Une disparition aux conséquences dramatiques

RBG se sera battue jusqu’au bout, infatigable, impossible à démotiver. C’est d’ailleurs ce qui lui a valu de nombreuses critiques, qui s’inscrivent, selon moi, dans cette lignée de reproches sexistes. 

Les juges à la Cour suprême sont nommés par le président en exercice, et le sont à vie. RBG, malgré un cancer du pancréas, a refusé de démissionner pendant le mandat Obama. Or, si elle l’avait fait, elle aurait pu être remplacée par un juge partageant la lignée politique d’Obama. Étant physiquement et mentalement capable de continuer, elle a décidé de s’accrocher, coûte que coûte. 

La question est pertinente, et mérite d’être posée. Mais pourquoi la responsabilité entière d’un combat serait incombée à cette femme, et seulement elle ? Pourquoi devrait-elle faire l’effort de quitter ce poste qui lui a valu des années de combat acharné ? 

Un juriste américain, Erwin Chemerinsky, a publié une tribune en 2014, intitulée « Tout dépend de Ginsburg ». Première chose, insignifiante pour certains, mais pas impertinente pour nous : pourquoi la nommer Ginsburg (le nom de son mari), alors que l’entièreté de la planète l’a toujours nommée Bader Ginsburg, Ruth Bader Ginsburg ou RBG ? 

Prestation de serment de Ruth Bader Ginsburg comme juge à la Cour suprême - U.S. National Archives and Records Administration | Domaine public
Prestation de serment de Ruth Bader Ginsburg comme juge à la Cour suprême – U.S. National Archives and Records Administration | Domaine public

Deuxième chose, Erwin Chemerinsky est qualifié de visionnaire lorsqu’il déclare que « ce n’est qu’en démissionnant cet été [2014] qu’elle pourra garantir le fait qu’un président démocrate puisse lui choisir un successeur qui partage ses opinions et ses valeurs ». Pourquoi, une fois de plus, la responsabilité – et même la culpabilité, si l’on souhaite aller plus loin – est mise exclusivement sur les femmes ? Pourquoi ce prétendu visionnaire, et tous les autres d’ailleurs, n’ont-ils pas plutôt consacré leur temps à alerter sur les dangers potentiels d’un homme comme Trump ? Au lieu de qualifier RBG de « naïve », ou « d’égoïste ».

La question que soulève Chemerinsky mérite d’être discutée. Mais elle remet, une fois encore, la faute sur une femme, soi-disant responsable de la catastrophe liberticide en termes de droit des femmes qui se joue aux Etats-Unis.  

Hommage national à Ruth Bader Ginsburg, 2020 - Senate Democrats | Domaine public
Hommage national à Ruth Bader Ginsburg, 2020 – Senate Democrats | Domaine public

Les gens me demandent parfois : « Quand y aura-t-il assez de femmes sur le terrain ? ». Ma réponse est : « Quand il y en aura neuf ». Les gens sont choqués. Mais il y a eu neuf hommes, et personne n’a jamais posé de question à ce sujet.

Ruth Bader Ginsburg

Quelques liens et sources utiles

« Ruth Bader Ginsburg, juge à la Cour suprême des Etats-Unis, est morte à l’âge de 87 ans », Le Monde, 2020

Sandra Day O’connor, Ruth Bader Ginsburg, Noëlle Lenoir, Cahier du Conseil Constitutionnel, 5 novembre 1998

« Ruth Bader Ginsburg, juge regrettée de la Cour suprême américaine et dernier rempart aux anti IVG », Marie Claire, 2022

« Avortement aux États-Unis: l’erreur de Ruth Bader Ginsburg qui pourrait coûter cher », Slate, 2022

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