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Rosemary Kennedy, un destin tragique pour une famille tragique

Longtemps dissimulé par la famille Kennedy elle-même, la vie de Rosemary Kennedy prit un tournant tragique en 1941.
Rosemary Kennedy - auteur inconnu | Copyright John F. Kennedy Library Foundation. Kennedy Family Collection
Rosemary Kennedy – auteur inconnu | Copyright John F. Kennedy Library Foundation. Kennedy Family Collection

Tout comme Henrietta Lacks, à la même époque, la vie de Rosemary Kennedy fut tragiquement compromise en 1941, en raison des décisions prises par sa famille et ses médecins.

Quelles ont été les motivations derrière ces décisions et comment ont-elles radicalement bouleversé le cours de sa vie ?

La tragique histoire de Rosemary Kennedy et son destin obscur

Rosemary Kennedy est née le 13 septembre 1918 en tant que troisième enfant de Joseph P. Kennedy Sr. et Rose Fitzgerald Kennedy. Elle faisait partie de la célèbre famille Kennedy, connue pour son implication en politique et dans le service public aux États-Unis.

Rosemary était décrite comme une jeune femme vivante et extravertie, mais sa vie prit un tournant tragique lorsqu’elle subit une lobotomie. En effet, en 1941, à l’âge de 23 ans, Rosemary a subi une lobotomie préfrontale, une procédure médicale qui implique la destruction des connexions entre les lobes frontaux et le reste du cerveau. 

La lobotomie était une procédure médicale controversée pratiquée dans les années 1930 et 1940. Elle impliquait une intervention chirurgicale visant à sectionner ou à détruire les connexions nerveuses du lobe frontal du cerveau. Cette procédure était souvent utilisée comme traitement pour des troubles mentaux tels que la schizophrénie ou la dépression, mais elle était également utilisée de manière abusive et inappropriée dans certains cas.

Rosemary a subi une lobotomie en 1941, sur recommandation de son père et de certains médecins. À l’époque, il était pensé que cela pourrait la calmer et atténuer ses sautes d’humeur. Cependant, la lobotomie a eu des conséquences dévastatrices sur Rosemary. La procédure a entraîné une détérioration de ses capacités mentales et cognitives. Elle a perdu la capacité de parler de manière cohérente, de marcher normalement et de mener une vie indépendante.

Les raisons de la lobotomie de Rosemary Kennedy

Les raisons de la lobotomie de Rosemary Kennedy peuvent être examinées à travers différents aspects. Tout d’abord, ses problèmes de comportement et d’humeur étaient considérés comme significatifs et difficiles à gérer, d’autant plus en raison de son retard mental. En effet, Rosemary Kennedy était atteinte d’un retard mental.

Ce retard se caractérisait par des limitations significatives dans le développement de ses capacités intellectuelles et de son fonctionnement adaptatif. Rosemary présentait des comportements impulsifs, des sautes d’humeur intenses et des accès de colère fréquents, des symptômes qui pouvaient être exacerbés par sa condition intellectuelle. Ses troubles du comportement représentaient un défi considérable pour sa famille et les professionnels de la santé qui s’occupaient d’elle au quotidien, car ils devaient composer avec une combinaison complexe de troubles mentaux et de limitations cognitives.

Dans l’espoir de trouver une solution pour atténuer ses symptômes et améliorer sa qualité de vie, la lobotomie a été envisagée comme une option thérapeutique.

Walter J. Freeman (à gauche) et James W. Watts, 24 mai 1941 - Photography Harris A Ewing | Domaine public
Walter J. Freeman (à gauche) et James W. Watts, 24 mai 1941 – Photography Harris A Ewing | Domaine public

Cependant, il existe également des spéculations sur d’autres motivations qui auraient pu jouer un rôle dans la décision de procéder à la lobotomie de Rosemary. Certains suggèrent que la famille Kennedy, soucieuse de préserver son image publique et son statut social, aurait pu chercher à dissimuler les problèmes de Rosemary en la soumettant à cette procédure controversée.

Le retard mental de Rosemary, associé à ses troubles comportementaux, aurait pu être perçu comme un obstacle à l’image de perfection et de réussite de la famille. Ainsi, la lobotomie aurait pu être considérée comme un moyen de garder le contrôle sur les récits médiatiques et de préserver la réputation de la famille Kennedy. En éloignant Rosemary de la vie publique et en limitant les informations disponibles sur sa condition, la famille espérait peut-être protéger leur image et éviter les scandales potentiels liés à Rosemary.

Il est important de noter cependant que l’absence de preuves concrètes rend difficile la confirmation des motivations exactes derrière la lobotomie de Rosemary Kennedy. Les informations disponibles sont souvent basées sur des spéculations et des témoignages divergents. Les documents médicaux de l’époque sont parfois vagues ou manquants, rendant complexe l’établissement d’une vérité incontestable.

Malgré les recherches et les investigations menées, il reste des zones d’ombre entourant les véritables motivations de la lobotomie de Rosemary Kennedy.

Les répercussions sur la vie de Rosemary Kennedy

Les conséquences de la lobotomie sur la vie de Rosemary Kennedy sont profondes et tragiques. Avant la lobotomie, Rosemary faisait face à de nombreuses difficultés d’apprentissage et comportementales en raison de son retard mental. Elle avait du mal à suivre un enseignement académique standard et éprouvait des difficultés à contrôler ses émotions et ses impulsions. Cependant, malgré ces défis, elle était entourée de sa famille et bénéficiait d’un certain soutien.

Après la lobotomie, les conséquences sur le comportement et la cognition de Rosemary se sont intensifiées. Elle a également rencontré des difficultés motrices, présentant notamment des problèmes de coordination et d’équilibre. Elle a perdu une grande partie de sa capacité à marcher normalement, ce qui a considérablement limité sa mobilité et son indépendance. Elle a dû compter sur l’assistance d’autres personnes pour se déplacer et accomplir des tâches quotidiennes.

De plus, la lobotomie a eu un impact significatif sur la capacité de Rosemary à communiquer. Elle a perdu une grande partie de sa capacité à parler et à comprendre le langage de manière cohérente. Ses facultés verbales ont été considérablement altérées, laissant Rosemary avec une parole limitée et souvent inintelligible. Cette perte de compétences linguistiques a rendu difficile pour elle de s’exprimer et de communiquer efficacement avec les autres, renforçant ainsi son isolement et sa dépendance.

Outre les difficultés motrices et communicationnelles, la lobotomie a également entraîné d’autres conséquences néfastes sur la santé et le bien-être de Rosemary. Elle a souffert de problèmes de coordination des gestes fins, rendant difficile pour elle d’accomplir des tâches simples telles que s’habiller ou se nourrir de manière autonome. De plus, la lobotomie a affecté sa capacité à ressentir et à exprimer ses émotions de manière appropriée, contribuant à des problèmes de comportement et à des difficultés relationnelles.

Ces conséquences ont eu un impact majeur sur la vie de Rosemary et ont conduit à sa dépendance vis-à-vis de sa famille. Incapable de fonctionner de manière autonome, elle a été placée dans une institution spécialisée pour personnes ayant des troubles mentaux. Sa famille a pris cette décision dans l’espoir de lui offrir les soins et le soutien dont elle avait besoin, mais cela a également signifié une séparation douloureuse d’avec sa famille et une perte de sa liberté.

Le silence entourant l’histoire de Rosemary Kennedy

Pendant de nombreuses années, les Kennedy ont gardé le silence sur la lobotomie de Rosemary. Peu d’informations ont été divulguées au public, et son histoire est restée largement méconnue. Cela a contribué à créer un voile de mystère autour de sa condition et à la maintenir dans l’ombre de la vie publique de la famille.

En effet, pendant des décennies, Rosemary a été cachée du public et son histoire a été tenue secrète. Cette dissimulation a eu des conséquences profondes sur sa vie et sur la façon dont elle était perçue. La famille Kennedy a pris des mesures drastiques pour garder Rosemary à l’écart de la vie publique. Comme susmentionné, suite à sa lobotomie, elle a été placée en institution et isolée de sa famille mais surtout de la société. Les Kennedy ont évité toute mention de sa condition et ont fait en sorte que son existence soit largement ignorée du public.

La famille Kennedy à Hyannis Port le 4 septembre 1931. De gauche à droite : Robert Kennedy, John Kennedy, Eunice Kennedy, Jean Kennedy sur les genoux de Joseph Kennedy Sr., Rose Kennedy derrière Patricia Kennedy, Kathleen Kennedy, Joseph Kennedy Jr. derrière Rosemary Kennedy. Edward Kennedy n'est pas encore né. Le chien devant à gauche s'appelle Buddy - Richard Sears in the John F. Kennedy Presidential Library and Museum, Boston | Domaine public
La famille Kennedy à Hyannis Port le 4 septembre 1931. De gauche à droite : Robert Kennedy, John Kennedy, Eunice Kennedy, Jean Kennedy sur les genoux de Joseph Kennedy Sr., Rose Kennedy derrière Patricia Kennedy, Kathleen Kennedy, Joseph Kennedy Jr. derrière Rosemary Kennedy. Edward Kennedy n’est pas encore né. Le chien devant à gauche s’appelle Buddy – Richard Sears in the John F. Kennedy Presidential Library and Museum, Boston | Domaine public

Cette dissimulation était motivée par diverses raisons. Tout d’abord, la famille Kennedy était préoccupée par son image publique et son statut social. La lobotomie de Rosemary était une procédure controversée et son existence aurait pu ternir la réputation de la famille. En la cachant, les Kennedy espéraient éviter les scandales et maintenir une image d’une famille respectée et puissante. De plus, la dissimulation de Rosemary pourrait également être liée à la stigmatisation entourant les troubles mentaux à cette époque. Les maladies mentales étaient mal comprises, comme en témoigne l’obusite après la Grande Guerre, qui n’a été que peu considérée par les médecins. En gardant Rosemary cachée, la famille Kennedy a pu éviter le jugement de la société et préserver leur propre statut social.

Cependant, au fil du temps, les informations sur la lobotomie de Rosemary ont été divulguées de manière progressive. Les Kennedy ont commencé à partager des détails limités sur son traitement et ses conséquences, mais ils ont toujours cherché à contrôler la narration et à minimiser l’ampleur des dommages causés par la lobotomie. Cette divulgation progressive a permis à la famille de maintenir un certain contrôle sur la perception du public et d’éviter une exposition complète de la vérité.

L’impact de la dissimulation de l’histoire de Rosemary Kennedy sur la perception des traitements psychiatriques de l’époque a été significatif. La lobotomie pratiquée sur Rosemary était considérée comme une pratique courante à l’époque, malgré son caractère controversé. Cependant, en cachant les détails et les conséquences de la lobotomie de Rosemary, la famille Kennedy a contribué à maintenir une perception limitée et incomplète de cette procédure.

En effet, la dissimulation de l’histoire de Rosemary a alimenté l’idée que la lobotomie était une solution viable pour traiter les troubles mentaux, sans tenir compte des graves conséquences potentielles. Cela a eu un impact durable sur la perception des traitements psychiatriques de l’époque, remettant en question l’éthique et l’efficacité de telles pratiques.

Le lien entre la lobotomie de Rosemary Kennedy et la « malédiction » des Kennedy

La lobotomie de Rosemary Kennedy est souvent considérée comme un événement clé à l’origine des tragédies qui ont frappé la famille Kennedy, engendrant ainsi l’idée d’une possible « malédiction ». Cette procédure a eu des conséquences profondes et durables, non seulement sur la vie de Rosemary, mais aussi sur celle de sa famille. Les décès prématurés de plusieurs membres éminents de la famille, tels que John F. Kennedy, Robert F. Kennedy et Edward Kennedy, ont contribué à alimenter les spéculations sur une malédiction qui planerait sur les Kennedy. Certains ont suggéré que la lobotomie de Rosemary pourrait être le déclencheur de cette série de malheurs. 

En effet, la lobotomie de Rosemary Kennedy a suscité de vives critiques et a été perçue par certains comme une injustice flagrante. Il est admis par certains que Rosemary n’a pas eu un choix éclairé dans cette procédure et qu’elle a été contrainte de subir cette lobotomie, ce qui a entraîné une vie marquée par le handicap et la maladie. Cette perception d’injustice à l’égard de Rosemary a nourri la croyance en une possible malédiction qui entoure la famille Kennedy. Selon cette perspective, l’acte inhumain perpétré par les membres de la famille Kennedy à l’encontre de Rosemary aurait été le point de départ de cette fameuse malédiction qui aurait ultérieurement touché d’autres membres de la famille. 

Conclusion

En conclusion, l’histoire de Rosemary Kennedy et sa lobotomie soulèvent de nombreuses questions et suscitent une réflexion profonde sur le traitement des troubles mentaux, l’éthique médicale et les conséquences à long terme de telles procédures.

L’histoire de Rosemary Kennedy rappelle l’importance de respecter la dignité et les droits des personnes atteintes de troubles mentaux, et soulève des préoccupations quant à l’utilisation de procédures médicales invasives sans un consentement éclairé adéquat. De plus, l’impact de la lobotomie sur la vie de Rosemary et sur sa famille met en lumière la nécessité de réfléchir aux conséquences à long terme de tels traitements et à la manière dont les personnes vivant avec des troubles mentaux sont traitées et soutenues.

En fin de compte, la vie de Rosemary Kennedy invite à une réflexion plus large sur les progrès de la médecine, les droits des patients et les normes éthiques qui régissent les traitements psychiatriques. En tirant des leçons de ces erreurs du passé, il est possible d’améliorer la qualité des soins et le respect des droits des personnes atteintes de troubles mentaux, en mettant l’accent sur l’autonomie, la dignité et l’inclusion.

Cette réflexion nous pousse à repenser nos approches de traitement et de soutien, en favorisant une meilleure compréhension des besoins individuels et en garantissant un consentement éclairé lors de l’élaboration de plans de traitement. En adoptant une perspective éthique, il est possible de construire un système de soins qui place véritablement l’individu au centre, en favorisant leur bien-être et leur rétablissement.

Quelques sources utiles

Kate Clifford Larson. (2016). Rosemary, l’enfant que l’on cachait. Les Arènes. Traduit par Marie-Anne de Béru.

Louis-Marie Terrier, Marc Lévêque, Aymeric Amelot. La lobotomie frontale. Histoire des Sciences Médicales, 51(3-2017), 397.

Severing the Soul. Documentaire réalité Barbara Klutinis en 2008, portant sur la vie de Rosemary Kennedy.

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