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Roe v. Wade – L’arrêt historique de la Cour suprême américaine

Adopté en 1973 par la Cour suprême, Roe v. Wade est un arrêt historique interdisant la restriction ou criminalisation de l'avortement.
Norma McCorvey (Jane Roe) et son avocate devant la Cour suprême - Lorie Shaull | Creative Commons BY-SA 2.0
Norma McCorvey (Jane Roe) et son avocate devant la Cour suprême – Lorie Shaull | Creative Commons BY-SA 2.0

Roe v. Wade marque un tournant historique dans la législation américaine sur l’avortement, suite à l’arrêt emblématique rendu par la Cour suprême des États-Unis en 1973.

Cette décision a profondément transformé le paysage juridique et social en reconnaissant le droit des femmes à choisir d’avorter, dans certaines limites, en s’appuyant sur le droit à la vie privée. Ce jugement a non seulement établi un précédent juridique majeur mais a également déclenché une série de débats politiques, sociaux et éthiques qui perdurent jusqu’à aujourd’hui.

Le cas Roe v. Wade : une histoire judiciaire

Le 24 juin 2022, à Washington, le combat pour le droit des femmes a pris un virage à 90 degrés. Alors que la Cour suprême avait décrété l’avortement comme droit fondamental, protégé par la Constitution des États-Unis grâce à Roe v. Wade, l’année 2022 marque la mise à mort du droit des femmes à disposer de leur corps. Mais qu’est donc Roe v. Wade, cet arrêt mondialement connu et dont parle le monde entier ?

Pour comprendre, il faut revenir 50 ans en arrière. Au Texas, État très conservateur et républicain du Sud des États-Unis, Norma McCorvey, âgée alors de 22 ans, souhaite avorter. Mariée à 16 ans à un homme qui la bat, Norma McCorvey a déjà vécu deux grossesses non désirées. Sa première fille a été élevée par ses parents, et la seconde adoptée. Elle déclare qu’elle ne veut tout simplement pas être mère.

Or, le gouvernement texan n’autorise que les “avortements thérapeutiques”, c’est-à-dire si la grossesse met en danger la vie de la mère, ce qui n’est pas le cas de Norma. Elle est alors orientée vers des avocates qui souhaitent défendre l’avortement devant la Cour suprême.

Norma, de son côté, n’est ni militante, ni activiste, elle cherche simplement un moyen légal pour interrompre cette grossesse. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle sera anonymisée à ce moment, identifiée sous le pseudonyme de Jane Roe.

Roe v. Wade porté à la Cour suprême

Les avocates de Jane Roe décident donc de contester la constitutionnalité de la loi. Cela veut dire qu’elles estiment que la loi interdisant tout avortement non-thérapeutique, définie par la Constitution de l’État du Texas, va à l’encontre de la Constitution fédérale (considérée comme « la loi suprême du pays »). Plus particulièrement, elles déclarent que cette loi viole le droit à la vie privée, protégé par la Constitution fédérale.

Un premier procès a lieu en 1970 entre Jane Roe et le représentant de l’État du Texas, le procureur de Dallas, Henry Wade. Roe perd le procès, mais les avocates font immédiatement appel de la décision. Comme il s’agit d’une remise en cause de la constitutionnalité d’une loi, le dossier est porté à la Cour suprême des États-Unis, sommet du pouvoir judiciaire.

Les débats commencent un an plus tard, en 1971. Sarah Weddington, une des avocates, déclare au jury exclusivement masculin, que les avortements constituent une décision personnelle, protégée par le droit à la vie privée de la Constitution des États-Unis. 

Juges siégeant à la Cour suprême lors de Roe v. Wade - U.S. Supreme Court | Domaine public
Juges siégeant à la Cour suprême lors de Roe v. Wade – U.S. Supreme Court | Domaine public

La Cour suprême rend sa décision le 22 janvier 1973, concluant que “les lois pénales de l’État sur l’avortement, comme celles qui sont en cause ici […] violent la clause de procédure régulière du quatorzième amendement, qui protège contre l’action de l’État le droit à la vie privée, y compris le droit qualifié d’une femme d’interrompre sa grossesse.” En d’autres mots, la Cour suprême consacre le droit à l’avortement, et rend totalement anticonstitutionnelle toute loi interdisant le recours à l’avortement. C’est la naissance de Roe. v Wade.

Roe v. Wade est la décision la plus importante quant à l’accès à l’avortement. Cependant, de nombreux journalistes et médias citent d’autres arrêts, comme Doe v. Bolton, ou encore Planned Parenthood v. Casey. Le sujet reste très complexe, et certains arrêts méritent une analyse complète.

Les conclusions de l’arrêt Planned Parenthood v. Casey peuvent être très controversées. Si certains estiment qu’il a consacré à nouveau le droit constitutionnel à l’avortement, d’autres jugent qu’il a affaibli le droit à l’IVG par ses modifications du cadre légal à la faveur des États. Ceci étant un autre sujet, nous avons choisi de laisser le lecteur se faire sa propre opinion de son côté, en attendant la publication d’un article spécial. 

Le basculement de Jane Roe

À la fin des années 80, Norma McCorvey sort de l’anonymat, et se révèle au monde. Elle sort même un livre en 94, intitulé I am Roe: My Life, Roe v. Wade, and Freedom of Choice (Je suis Roe : Ma Vie, Roe v. Wade et la Liberté de Choisir). Elle se positionnement publiquement en faveur du droit à l’avortement, participe à des manifestations et autres rassemblements.

Mais Norma ne fait pas l’unanimité au sein des mouvements féministes. Jugée pas assez instruite, avec une histoire trop sordide et un lourd passif d’addictions, elle est en marge du mouvement. De plus, elle déclare à la télévision avoir menti sur la cause de sa grossesse (elle avait initialement déclaré aux juges qu’elle était enceinte suite à un viol collectif, raison pour laquelle elle voulait avorter).

À peine un an après la sortie de son livre, elle apparaît dans une vidéo, dans une piscine, en train de se faire baptiser. Choc pour l’Amérique, Norma McCorvey, alias Jane Roe, a rejoint le camp anti-avortement. Elle passera le reste de sa vie à militer au côté des évangélistes. “Je suis déterminée à consacrer le reste de ma vie à défaire la loi qui porte mon nom », déclare-t-elle.

Ce retournement de situation permettra malheureusement une conséquente augmentation des dons envers les groupes pro-vie (contre l’avortement), puisqu’elle déclare publiquement que Jésus lui a pardonné ses pêchés. Une figure pro-avortement qui devient contre, cela ne s’invente pas. Et puis, cela convainc et donne de la crédibilité.

Norma McCorvey ne cessera de surprendre, puisque sur son lit de mort, fin 2016, elle déclarera avoir menti tout ce temps. Elle dit avoir été payée par les évangélistes pour se positionner contre l’avortement, et avoir organisé un coup monté.

Le cas de Norma McCorvey est très complexe et révèle la politisation de l’avortement. Quand certains l’accusent de faire carrière sur sa popularité, d’autres déclarent qu’elle était désespérément en manque d’attention. Nous ne cherchons pas ici à trouver la vérité, quant au cas de Norma. Il y a des zones d’ombres et des secrets qu’elle a emmené dans sa tombe. Mais ce que nous pouvons dire, en revanche, c’est que si Norma McCorvey n’est pas véritablement un symbole pro-avortement, ses avocates le sont. Ce sont elles qui ont permis l’adoption de l’arrêt, et ce sont à elles que nous devrions rendre hommage.

Quelques liens et sources utiles

Mamadou Faye, Qu’est-ce que que Roe v. Wade et que signifie l’arrêt de la Cour suprême américaine ? BBC Afrique, 2022.

Brut, IVG aux Etats-Unis : l’histoire de Norma Mc Corvey aka « Jane Roe », 2022.

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