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Metro 2033, la vision cauchemardesque des Soviétiques

Metro 2033 est une série de livres qui illustre parfaitement une hypothétique Troisième Guerre mondiale, détruisant l'humanité...
Metro 2033 la vision cauchemardesque des Soviétiques - Devogorin
Metro 2033 la vision cauchemardesque des Soviétiques – Devogorin

La crainte d’une escalade nucléaire entre les deux blocs a été présente dans les esprits de nos ainés pendant toutes les décennies de la Guerre froide. L’auteur Dmitri Gloukhovski illustre la vie des hommes survivants à cette Troisième Guerre mondiale dans sa série de livres intitulée Metro, (Metro 2033, Metro 2034 et Metro 2035), une illustration parfaite des craintes des Soviétiques et des Américains.

Publiée en 2005 en Russie cette trilogie devient rapidement populaire auprès des Russes. Il faut attendre que l’éditeur de jeu vidéo THQ en collaboration avec 4A Games se lance dans la production d’une série de jeux vidéos suivant la trame du livre pour que la série devienne populaire à l’international. Dans cette optique les livres sont publiés en France à partir de 2010 et jusqu’en 2017 pour le dernier opus.

L’histoire devient si populaire que l’univers dépasse l’auteur Dmitri Gloukhovski. De nombreuses versions apparaissent pour raconter l’histoire des métros londoniens ou parisiens. Les lecteurs sont invités à découvrir comment survie le reste de l’humanité.

Entre survie et barbarie dans le métro moscovite

Le premier roman Metro 2033 narre l’histoire d’un jeune homme, Artyom. Sa station VDNKh est en proie à des créatures surnommées les Noirs… Le jeune homme est pris dans une histoire qui le pousse à explorer le métro moscovite pour apporter à nouveau la paix et l’ordre pour les survivants.

Le second Metro 2034 se déroule peu de temps après le premier. Il ne raconte pas la vie d’Artyom, mais d’un homme souhaitant écrire l’histoire des survivants de la guerre nucléaire. Il raconte son histoire morose, enfermé dans sa station, et sa vie d’avant, mais il est très vite happé par une crise touchant son petit monde, la station Sevastopolskaya.

Le dernier roman de la série, Metro 2035 revient à l’histoire d’Artyom, deux ans après les faits narrés dans le premier, maintenant héros du métro. Néanmoins sa vie ne semble pas être une partie de plaisir. Il est ravagé par les épreuves qu’il a subies, et surtout persuadé d’avoir condamné les espoirs des habitants du métro de revivre un jour à la surface…

Un monde sous pression continuelle d’une guerre nucléaire

Le monde de Metro s’inspire bien évidemment des tensions historiques qui pesaient sur l’URSS, puis la fédération de Russie. Le bloc de l’Ouest et le bloc de l’Est menaient une course à l’armement incontrôlable, qui aurait un jour ou l’autre provoqué la destruction de l’un ou de l’autre, ou des deux. Heureusement l’URSS se disloque en 1991, stoppant de cette manière la Guerre froide.

C’est ainsi qu’une guerre nucléaire se déclenche en l’an 2023 dans l’univers de Metro, sans que la source du premier tir ne soit identifiée. Simplement, toutes les puissances nucléaires décident de riposter, détruisant les grandes villes de tous les continents et provoquant un terrible hiver nucléaire.

Cette situation aurait pu arriver deux fois dans notre histoire, la première en 1962 et la seconde en 1983 :

La Crise des missiles de Cuba se déroule entre le 14 octobre et le 28 octobre 1962 et fait craindre au monde entier le déclenchement d’une guerre nucléaire entre l’URSS et les États-Unis. L’URSS déploie des missiles nucléaires à Cuba. Les États-Unis découvrent l’existence des missiles suite à des photographies aériennes. L’administration Kennedy prend des mesures pour bloquer tout navire transportant des armes à Cuba et demande à l’Union Soviétique de retirer les missiles. L’Union Soviétique refuse, ce qui provoque une crise internationale qui met le monde au bord d’une guerre nucléaire. Finalement, l’Union Soviétique accepte de retirer les missiles en échange de la promesse des États-Unis de ne pas attaquer Cuba et de retirer des missiles basés en Turquie.

La crise a été considérée comme l’un des moments les plus tendus de la guerre froide. Les conséquences ont été la confirmation de la doctrine de dissuasion nucléaire des États-Unis et la montée de la tension entre les deux superpuissances. Cela a entraîné une augmentation de la dépense militaire et la mise en place de systèmes de défense antimissile.

L’incident du 26 septembre 1983 implique l’officier de garde Stanislav Petrov, en charge de surveiller d’éventuels tirs de missiles nucléaires contre l’Union soviétique. Une anomalie sur ses appareils de surveillance, indique un, puis quatre missiles balistiques intercontinentaux de type Minuteman III se dirigeant vers l’URSS. Stanislav Petrov décide de ne pas transmettre le signal à son supérieur hiérarchique en considérant qu’il s’agissait probablement d’une erreur. Sa décision a probablement évité une guerre nucléaire.

L’incident montre l’importance de la prévention des erreurs techniques dans les systèmes de défense nucléaire. Ainsi, même les systèmes les plus avancés peuvent faire des erreurs et la décision humaine peut être cruciale pour prévenir un conflit nucléaire.

Dans le cas de Metro le monde a été moins chanceux, la crise a dégénéré provoquant la destruction du monde comme nous le connaissons. L’univers met en avant la capacité du métro moscovite à supporter une attaque, puis un hiver nucléaire.

Un complexe d’abris nucléaires à Moscou

Les projets de métro à Moscou sont nombreux, dès 1870 le tsar Alexandre II souhaite en construire un, malheureusement le projet ne se concrétise pas. Ce n’est que le 15 juin 1931 sous l’impulsion de Staline, qu’un projet aboutit enfin. Le Métropolitain L. M. Kaganovitch voit le jour avec une première ligne qui va de la station Sokolniki, à la station Park Koultoury en passant par la station Smolenskaïa. Avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale deux autres stations sont construites agrandissant le parcours du métro moscovite. Néanmoins, tous les autres projets d’agrandissement sont abandonnés par la suite, le pays se consacre maintenant à repousser les forces allemandes.

Les installations sont utilisées comme abri durant l’invasion allemande, pour protéger les populations des bombardements. En effet, à partir d’octobre 1941 les troupes allemandes sont aux portes de la ville, et jusqu’à l’offensive victorieuse de janvier 1942, elle est régulièrement la cible de l’artillerie et des stukas.

À la fin de la guerre, l’expansion du métro continue avec une nouveauté : des stations sont pensées pour résister à des attaques nucléaires. Avec le déclenchement de la guerre froide des stations profondes voient le jour notamment la station Arbatskaïa (ligne bleue foncée actuelle), qui peut se trouver entre 70 à 80 mètres de profondeur. L’objectif du régime est de pouvoir mettre à l’abri 20 à 40% de la population de la ville dans le métro. C’est dans cette optique que sont construits les métros de Kiev et de Saint-Pétersbourg, sur le modèle du métro moscovite.

La station Arbatskaïa, de l'architecte Poliakov, construite en 1953 - Sansculotte (pseudo Wikipédia) | Creative Commons BY-SA 2.0
La station Arbatskaïa, de l’architecte Poliakov, construite en 1953 – Sansculotte (pseudo Wikipédia) | Creative Commons BY-SA 2.0

Les stations sont également un lieu d’expression pour la grandeur du régime, considérées comme des palais souterrains, les stations sont des merveilles d’architecture. Pour revenir sur la station Arbatskaïa, l’architecte Poliakov en charge de sa construction est notamment responsable d’une des « sept sœurs de Staline ». Le métro est palais et abri pour la population de Moscou.

Le métro moscovite est plein de secrets, c’est notamment révélé dans l’œuvre de Dmitri Gloukhovski, où Artyom entend parler d’un réseau secret parallèle au métro conventionnel. Appelé Métro 2 ou D6, il aurait pour fonction de servir de lieu d’évacuation pour le personnel clé du régime en cas de guerre nucléaire. Il aurait été créé sous l’impulsion de Staline au cours des années 1950. Le réseau relierait le Kremlin, les quartiers du FSB, le ministère de la Défense et plusieurs autres installations stratégiques pour le régime, notamment l’Aéroport Vnoukovo.

« Les Soviétiques ont construit des souterrains profonds à la fois dans les zones urbaines de Moscou et en dehors de la ville. Ces installations sont reliées entre elles par un réseau de lignes de métro profondes interconnectées qui fournissent un moyen d’évacuation rapide et sécurisé pour les dirigeants. Les dirigeants peuvent quitter leurs bureaux par des entrées dissimulées, dans des quartiers protégés, sous la ville. Il existe d’importants postes de commandement souterrains dans la région de Moscou, dont l’un au Kremlin. La presse soviétique a constaté la présence d’un énorme bunker souterrain situé à proximité de l’université d’État de Moscou. Destiné aux autorités nationales de commandement en temps de guerre, il aurait une profondeur estimée entre 200 et 300 m et peut accueillir environ 10 000 personnes. Une ligne de métro spéciale relie certains points de Moscou et peut-être même jusqu’au terminal VIP de l’aérodrome de Vnoukovo (…) »

Département de la Défense des États-Unis, Military forces in transition, 1991, p. 40
Le réseau Métro 2 ou D6, selon les services de renseignement des États-Unis, 1991 - Military forces in transition. DOD | Domaine public
Le réseau Métro 2 ou D6, selon les services de renseignement des États-Unis, 1991 – Military forces in transition. DOD | Domaine public

Malgré des stations profondes, si une bombe atomique était amenée à exploser à même le sol, aucune station de métro ne serait épargnée. Par chance, les bombes explosent à plusieurs centaines de mètres du sol, pour profiter de l’effet de souffle et donc maximiser les destructions. Les nombreuses stations à plus d’une dizaine de mètres de la surface pourraient résister, en espérant simplement que les portes hermétiques puissent se fermer à temps !

Une histoire fantasque, mais révélatrice de la Guerre froide

L’histoire de Dmitri Gloukhovski fait fantasmer. Elle présente aux lecteurs comment l’horreur de la guerre nucléaire peut transformer durablement la condition de l’humanité. Les hommes et les femmes sont poussés à survivre comme ils peuvent dans un monde devenu hostile dans Metro 2033.

Cette crainte de la guerre nucléaire a pesé durablement sur plusieurs générations, en URSS comme aux États-Unis. Les exercices grandeur nature, pour préparer la population à évacuer, étaient nombreux et le plus souvent inefficaces… Cette dimension est davantage évoquée dans le dernier opus Metro 2035. Par chance, l’Homme n’a pas encore été assez stupide pour provoquer sa destruction immédiate et définitive !

Si vous souhaitez découvrir un monde ravagé par l’hiver nucléaire, nous ne pouvons que vous inviter à découvrir cette saga !

Quelques liens et sources utiles

Jean‑Charles Ray, “Explorer l’ombre : Metro 2033, entre texte et jeu vidéo”, Dozo, Björn-Olav, et Fanny Barnabé, Jeu vidéo et livre, Liège : Presses universitaires de Liège, 2018.

Département de la Défense des États-Unis, Military forces in transition, 1991, p. 40

Dmitri Gloukhovski, Metro 2033, L’Atalante Editions, 2008

Dmitri Gloukhovski, Metro 2034, L’Atalante Editions, 2009

Dmitri Gloukhovski, Metro 2035, L’Atalante Editions, 2017

Josette Bouvard, Le Métro de Moscou, Sextant, 2005

Marie Olivier, Le Métro de Moscou, marqueur identitaire et microcosme de la société russe, École nationale supérieure d’architecture de Nantes, 2019

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