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Maryse Bastié : du travail à l’usine au sommet de l’aviation

D’abord ouvrière pendant l’adolescence, le monde très fermé de l’aviation s’ouvre à elle. La jeune femme ne pense plus qu’à devenir pilote.
Maryse Bastié dans les années 1930-Source gallica.bnf.fr, BnF I Domaine Public
Maryse Bastié dans les années 1930-Source gallica.bnf.fr, BnF I Domaine Public

Maryse Bastié est une pilote française qui devient dès 1925 l’une des pionnières de l’aviation féminine en battant de nombreux records de vol.

D’abord ouvrière pendant l’adolescence, le monde très fermé de l’aviation s’ouvre à elle et lui permet rapidement de s’imposer comme l’une des plus grandes pilotes du XX ème siècle.

Une enfance très modeste

Marie-Louise Bombec est née à Limoges le 27 février 1898. Issue d’un milieu populaire, elle a 10 ans quand son père, alors ouvrier fondeur meurt d’une tuberculose. Sa famille doit alors déménager dans un minuscule appartement et vivre pauvrement sans le revenu que leur assurait leur père.

Pour aider sa mère, celle qu’on surnomme « Maryse », travaille ardemment du matin au soir comme piqueuse dans une fabrique de chaussure dès l’adolescence, puis dans une usine de confection de blouses militaires au début de la guerre en 1914. Nous évoquions, dans un précédent article, le sujet du travail des femmes dans les usines, par le prisme des « Radium Girls ».

Intérieurement affectée par cette vie rude, Maryse tente de se réfugier dans des activités comme la lecture, grâce à une partie de l’argent de l’usine, mais également le sport. Elle enchaîne alors les courses à pied et parties de football avec les garçons du quartier avec qui, il lui arrive de se bagarrer. Mais sa mère ne voit pas cette masculinité d’un très bon œil et la pousse à s’investir dans des activités plus féminines comme la musique.

Maryse consent à prendre des cours de musique mais se révèle très mauvaise. En revanche elle y rencontre le fils de son professeur avec qui elle se marie en 1915 à l’âge de 17 ans. De cette union naît un enfant, Germain mais le couple divorce à la fin de la guerre. Un nouveau drame frappe la famille lorsque son frère Pierre meurt à Verdun en 1916.

La découverte du monde de l’aviation

Maryse se remarie en 1922 à Louis Bastié, lieutenant pilote de 14-18, qu’elle a rencontré lors de l’une de ses permissions. Louis devient rapidement instructeur de vol à Mérignac près de Bordeaux. Maryse découvre le monde de l’aviation et passe ses journées à monter en tant que passagère dans les avions de l’école de son mari, même lorsqu’il s’agit de formations de voltige.

Elle vient de trouver sa passion et ne pense plus qu’à devenir elle-même pilote.

Maryse Bastié à Bordeaux en 1925-Source gallica.bnf.fr, BnF I Domaine Public
Maryse Bastié à Bordeaux en 1925 – BnF I Domaine Public

Mais les femmes sont peu nombreuses dans l’aviation et ne passionnent pas la presse hormis quelques-unes comme Adrienne Bolland (première femme à avoir réussi la traversée de la Cordillère des Andes). Les héros du moment sont plutôt les as de 14-18 comme René Fonck ou Charles Nungesser.

Néanmoins, un instructeur de vol nommé Guy Bart, qui observe Maryse depuis quelque temps, voit son potentiel et l’exhorte à passer son brevet.

Maryse accepte sans hésitation et démarre rapidement ses cours de pilotage. Bart s’avère être un instructeur très exigeant mais son élève progresse vite malgré les jalousies de certains pilotes. Vient le jour du premier lâcher où elle effectue parfaitement le décollage et le tour demandé. Mais au moment où elle atterrit, Maryse voit Guy Bart foncer sur elle à grandes enjambées pour la féliciter. Croyant avoir commis une erreur éliminatoire, elle remet les gaz, refait un tour puis vient se reposer sur l’aérodrome sous le regard ahuri de son instructeur. Son premier lâcher est réussi. Maryse Bastié passe ensuite avec succès l’épreuve du brevet le 29 septembre 1925.

N’ayant pas les moyens de s’acheter un avion, Maryse Bastié décide d’attirer l’attention des constructeurs aéronautiques en passant sous le pont transbordeur de Bordeaux (pont de câbles) seulement 8 jours après l’obtention de son brevet. Cet exploit est largement relayé par la presse régionale mais l’aviatrice ne reçoit aucune proposition de financement.

La jeune pilote se retrouve encore endeuillée quand elle perd son mari le 26 octobre 1926 dans un accident d’avion. Loin de se résigner, Maryse décide de devenir elle-même monitrice de vol.

Elle monte alors à Paris et fait passer des baptêmes de l’air à Orly grâce à l’industriel Caudron qui lui prête un avion. Elle y rencontre Maurice Drouhin, pilote expérimenté qui lui fait découvrir les rallyes d’avions à l’occasion du Rallye de Champagne au cours duquel le duo obtient la 2ème place dont la récompense de 25 000 francs, qui permet à la jeune femme d’acheter un avion Caudron C 109.

Les débuts d’une grande série de records dans l’aviation

Maurice Drouhin et Maryse Bastié effectuent ensemble le trajet Paris-Treptov (Pologne) en 1928 qui permet à chacun d’homologuer un record. Notamment celui de la plus grande distance parcourue en vol par une femme (1 058 km). Ce record n’est que le début d’une grande série pour Maryse.

Maryse Bastié en 1931-Source gallica.bnf.fr, BnF I Domaine Public
Maryse Bastié en 1931 – BnF I Domaine Public

Elle s’attaque en 1929 au record de durée de vol féminin détenu successivement par des aviatrices américaines. Après plusieurs essais à 10h puis 24h de vol consécutif au-dessus du Bourget, Maryse Bastié établit le 26 juillet 1929, le record international de durée de vol féminin (26 h 46 minutes). La pilote devient l’une des pionnières de l’aviation féminine et la presse commence à parler d’elle.

En 1930, sa performance de 1929 ayant été battue par la pilote française Léna Berstein (35 h 49 minutes), elle reprend le record de durée féminin international en 37 heures 55 minutes après 5 tentatives, avec un Klem L 25. Malgré des conditions très difficiles, et prenant le risque de mourir d’épuisement, l’aviatrice française ira jusqu’à se verser de l’eau de Cologne sur les yeux pour éviter de s’endormir.

Néanmoins, ces quelques records ne suffisent pas à Maryse Bastié qui cherche à en battre de nouveaux. En 1931, elle s’attaque au record de distance et s’empare du record féminin international avec 2 976 kilomètres en reliant Paris à Cazan (URSS) en 30 h 30 minutes. Cet exploit lui vaut la Légion d’honneur et le prix Harmon Trophy, récompensant la meilleure aviatrice de l’année.

La vie privée de l’aviatrice est une fois de plus touchée, par un énième deuil en 1935, quand son fils Germain, alors au service de la marine, meurt de la fièvre typhoïde à Bizerte en Tunisie. Maryse est très affectée par cette disparition et doit chercher alors un nouveau cap dans sa vie.

Jean Mermoz, célèbre pilote connu pour ses nombreuses traversées de l’Atlantique-Sud convainc Maryse d’effectuer ce même périple afin de battre le record du temps de traversée détenu par la Néo-Zélandaise Jean Batten en 13 h 15 minutes. Mermoz et Bastié effectuent en entraînement la traversée aller-retour en 1935.

Quelques semaines avant la traversée officielle, Mermoz disparait le 7 décembre 1936 au-dessus de l’Atlantique. Maryse Bastié ne se décourage pas de cette nouvelle perte et réalise le 30 décembre suivant la traversée de l’Atlantique Sud de Dakar à Natal (Brésil). Le vol est achevé en 12 heures 5 minutes à bord du Jean Mermoz, un Caudron C635, ce qui lui permet d’ajouter un record de plus à son palmarès. L’aviatrice fait la une des grands journaux français et est alors à l’apogée de sa popularité. Entre 1937 et 1938, elle parcourt l’Amérique du Sud où elle tient une série de conférences sur l’aviation.

Une implication pendant la Seconde Guerre mondiale et une disparition tragique

Les tentatives de records s’arrêtent lorsque la Seconde Guerre mondiale guerre est déclenchée. Maryse Bastié est réquisitionnée pour l’acheminement d’avions vers le front puis offre ses services à la Croix Rouge au sein des infirmières de l’air où elle œuvre notamment au camp de Drancy.

Elle entre ensuite en résistance au sein du réseau Darius où elle transmet des renseignements à Londres concernant les aérodromes français occupés par les Allemands. Ceci lui vaut d’être arrêtée en mars 1944 par la Gestapo. Promue lieutenant dans les FFL en novembre 1944, elle est nommée Commandeur de la Légion d’Honneur pour l’ensemble des services rendus pendant la guerre.

Promue capitaine en 1946, elle continue à exercer au sein de l’armée de l’Air après-guerre au sein du Centre d’essais en vol où elle est chargée de tester des prototypes d’aéronefs. Elle trouve la mort le 6 juillet 1952 au cours d’un essai de vol à bord d’un prototype d’avion Noratlas à l’aéroport de Lyon.

La légende de l’aviation féminine française est enterrée à Paris au cimetière Montparnasse.

« Maryse Bastié lègue à la postérité l’admirable leçon d’une victoire constante de la volonté sur la fragilité. Son nom restera parmi les plus grands et les plus purs de l’histoire des ailes françaises. »

Citation à l’Ordre de la Nation
Maryse Bastié. Ailes ouvertes - Carnet d'une aviatrice

Découvrir la vie de la pilote Maryse Bastié

Je ne savais pas alors qu’une femme peut réaliser des rêves d’homme, quand elle veut s’en donner la peine…

Maryse Bastié

Cet ouvrage est une réédition numérique du récit auto-biographique de Maryse Bastié publié en 1937.

Dans ce carnet, Maryse parle de son enfance, de sa vocation, ses déboires, ses espoirs et ses exploits. Inspirant.

Quelques liens et sources utiles

Bernard Marck, Elles ont conquis le ciel : 100 femmes qui ont fait l’histoire de l’aviation et de l’espace, Arthaud, 2009

Francis Berger, La belle époque de l’aviation, Editions Sutton, 2005

Maryse Bastié, Ailes ouvertes : Carnet d’une aviatrice, Fasquelle Editeurs, 1937

Marcel Migeo, La vie de Maryse Bastié, Editions du Seuil, 1952

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