L'ouvrage coup de cœur d'avril : Petit dictionnaire des Sales Boulots par Nicolas Méra

Le retour à la paix en Europe après la Seconde Guerre mondiale

William Churchill a été un fervent défenseur de l'Europe en paix, notamment en évoquant la construction du futur rideau de fer.
Roosevelt et Churchill à la conférence de Casablanca - U.S. National Archives and Records Administration | Domaine public
Roosevelt et Churchill à la conférence de Casablanca – U.S. National Archives and Records Administration | Domaine public

Plongez au cœur de l’odyssée de la construction européenne, une aventure politique et économique qui a radicalement transformé l’Europe. Née des cendres de la Seconde Guerre mondiale, cette quête d’unité européenne est une histoire passionnante de collaboration et d’idéaux partagés. Découvrez les jalons essentiels, les figures clés et les enjeux contemporains de ce parcours extraordinaire.

Comprendre la genèse et le développement de l’Union Européenne, c’est embrasser les défis et les opportunités qui façonnent notre temps et dessinent le futur de notre continent.

De nombreuses visions pour la construction européenne

Après la Seconde Guerre mondiale, de nouveaux conflits apparaissent dans le monde à plus petite échelle. Le monde se cristallise autour de deux mastodontes, les États-Unis et l’URSS, c’est la Guerre Froide.

Le 12 mai 1945, Churchill indiquait à Truman dans un télégramme que l’Europe est divisée. C’est la première fois que la mention rideau de fer apparaît (« Iron Curtain »). Aujourd’hui, cette période est au centre des débats entre les historiens. Ils se posent un certain nombre de questions, mais celle qui retient notre attention est la suivante : est-ce que la conférence de Téhéran de 1943 marque la dissolution de la Grande alliance entre les alliés et l’URSS ?

Cette période marque effectivement des changements importants entre les rapports des Alliés, et ce jusqu’à la fin de la guerre.

La crainte d’un nouveau conflit pour Churchill, la Guerre froide

Le 5 mars 1946, Churchill dénonce publiquement le rideau de fer qui s’installe en Europe et qui divise le monde entre URSS et Alliés, opposant alors des régimes non-démocratiques et démocratiques.

Il est important de noter qu’à cette période, Churchill n’est plus premier ministre, il n’est qu’une voix à travers le monde des vainqueurs. Churchill lors de ce discours dénonce donc publiquement, mais sans avoir les capacités de modifier les choses, ni même en prenant parti de quelque manière que ce soit étant donné qu’il n’a plus de pouvoir politique. Le 19 septembre 1946, Churchill réalise un autre discours en Suisse, il invite à recréer la famille européenne.

L’Europe dominée par deux géants

L’Europe est divisée et surtout prise en tenaille entre les États-Unis et l’URSS. Il pense surtout aux pays de l’Europe de l’Ouest[1]. Il souhaite que les pays européens s’unissent et se réunissent (avec l’Allemagne et l’Italie par exemple). Ils doivent penser par eux-mêmes et limiter l’hégémonie des USA et de l’URSS sur leurs gouvernements, tout en se plaçant (quand même) sous la protection des USA.

Il faut, pour créer cette famille européenne, recréer des rapports entre les victorieux et l’Allemagne, et tout particulièrement entre la France et l’Allemagne. Pour Churchill, il faut également que l’Italie, l’Allemagne et tous les pays vaincus retrouvent une place importante dans les nations européennes, pour ne pas déstabiliser la région.

Dans tous les cas, Churchill voit cette famille européenne comme une alliance continentale. Le Royaume-Uni, lui, souhaite préserver ses liens avec le Commonwealth (depuis 1931). Ainsi, la France, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas et le Luxembourg seraient donc les piliers de cette construction.

La Guerre Froide comme toile de fond de l’après guerre

La Guerre Froide est pour le philosophe Aron « une paix impossible, une guerre improbable ». Cette période est ambiguë, il est aujourd’hui difficile de marquer la fin de la Guerre Froide. Certaines personnes affirment qu’elle prend fin à la mort de Staline en 1953, d’autres dans les années 80-90 avec l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl, la chute du mur de Berlin ou encore la guerre du Golfe.

La Guerre froide se déroule principalement en Europe et l’une des différence notable est la présence physique de l’URSS en Europe via l’armée rouge qui se trouve dans tous les États de l’Europe de l’Est, contrairement aux États-Unis. L’URSS possède des frontières avec de nombreux pays européens, grâce au nouveau découpage des frontières à la suite de la Seconde Guerre mondiale.

Les États-Unis se retrouvent dans une période d’isolation politique. C’est un cycle récurrent après une période d’intervention importante. Cela est déjà arrivé par le passé, lors de leur intervention en 1917 pendant la Première Guerre mondiale. Ainsi, lors de leur intervention en 1941 pendant la Seconde Guerre mondiale, il y a le risque que les États-Unis, après la libération des nations opprimées, retournent chez eux. La condition des États-Unis pour protéger l’Europe et les pays qui ne sont pas encore tombés sous la botte de l’URSS, c’est de s’organiser et de s’unir.

La première intervention d’aide américaine après la guerre est le Plan Marshall (à partir de 1947). L’administration Truman définit une position vis-à-vis de l’URSS. Ils théorisent une doctrine, l’endiguement (containment). Ils souhaitent limiter la contagion de l’URSS et du communiste dans le monde. Il y a deux champs importants à travers le monde : l’Europe et l’Asie de l’Est – qui doivent être protégés – puis, plus tard, il y aura le Moyen-Orient.

Une division du monde entre l’Ouest et l’Est.

L’aide américaine par l’intermédiaire du Plan Marshall, comme prémice à la construction européenne

La misère et le désespoir sont le terreau du communisme et de l’URSS. Le Plan Marshall en 1947 doit apporter des aides financières et matérielles pour améliorer les conditions de vie. L’aide doit être partagée entre les pays Européens. Pour cela, ils doivent s’entendre.

En 1948 est alors créée l’OECE (Organisation Européenne de Coopération Économique). S’y retrouvent tous les pays qui souhaitent recevoir l’aide des États-Unis. Cette aide est proposée à tous les pays européens, même ceux d’Europe de l’est. La Pologne, la Tchécoslovaquie, par exemple, souhaitent y participer, mais l’URSS, déjà bien implantée dans le pays, s’y oppose. La Suisse, pourtant très peu touchée par la guerre souhaite bénéficier du Plan Marshall, mais les États-Unis refusent.

L’OECE est doublée de l’UEP (Union européenne des paiements). Les États-Unis demandent à l’Europe de prendre en charge une partie de sa défense. En 1948, la force militaire la plus dominante est étatsunienne, alors que l’ensemble des autres pays européens ont une force militaire très réduite. De cette injonction américaine naît une première alliance européenne, le pacte de Bruxelles en 1948. Ce pacte est composé du Luxembourg, de la Belgique, des Pays-Bas, de la France et du Royaume-Uni.

Ainsi les pays du Nord-Ouest veulent se protéger des menaces allemandes et soviétiques. La réponse des États-Unis se fait par le Traité de l’Atlantique Nord réunissant les pays de l’Europe de l’Ouest et aussi d’autres états (Turquie, Grèce, Italie, RFA), ce traité donne naissance à l’OTAN. Cette organisation militaire permet aux États-Unis d’installer des bases militaires en Europe.

Un désir de paix et de coopération au sein des politiques nationales européennes : l’européisme

En parallèle de l’impulsion américaine, il y a des impulsions européistes. Des européens souhaitent construire l’Union de l’Europe. Ils ont vu dans l’alliance du fascisme (Italie, Allemagne, Espagne) une idée de construction européenne.

Aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, il y a une redistribution politique générale en Europe. Les vieilles droites ont disparu (les droites qui ont fleureté avec le fascisme surtout). Les droites conservatrices sont complètement dépassées par la nouvelle donne de 1945. Après 45, ce sont les chrétiens démocrates, les socialistes, les communistes et les patriotes (gaullisme, titisme…) qui s’accaparent le pouvoir politique. Quand Churchill souhaite recréer la famille européenne, il pense à une confédération d’États souverains.

Pour les socialistes italiens et français, l’idée européenne est une idée américaine dont il faut se méfier. Pour les gaullistes il n’y a qu’une chose qui vaille, la France. Ainsi créer l’Europe c’est se lier aux américains et donc être sous la domination des américains. Les gaullistes souhaitent que la France reprenne sa place de première.

Malgré ces divergences idéologiques, ils se retrouvent tous entre le 7 et le 10 mai 1948 à la Haye aux Pays-Bas. Cette réunion porte le nom de Congrès de l’Europe, mais aussi des états généraux de l’Europe. Ce congrès a été également appelé « le printemps de l’Europe« , en lien avec l’événement du même nom, au siècle passé, poussant les populations à gagner leur souveraineté et à faire la révolution.

Des politiques de construction européenne

Il y a de nombreux mouvements politiques européens lors du Congrès de la Haye. Les unionistes sont pour une confédération et les fédéralistes pour la fédération. Ce congrès de 1948 pose la question de l’entente entre ces divers mouvements. Cette diversité est à la fois une force pour l’idée européenne, mais également une difficulté lorsqu’il s’agit d’entamer une politique concrète.

À la fin du congrès, un message conclusif est demandé au philosophe suisse, Denis de Rougemont. Trois idées fortes en ressortent :

  • Sa synthèse met en avant les droits de l’homme en tant que ciment de l’Europe. Le travail des européiste est de rédiger une charte des droits de l’homme. Le 10 décembre 1948 est ainsi établie la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, mais elle existe au niveau international, impulsée par l’ONU. Ce qui enlève la spécificité européenne voulue par Rougemont.
  • Ensuite, il y a le souhait de la pérennité du congrès, avec une assemblée permanente.
  • Enfin, la nécessité d’intégrer les Allemands dans ce processus.

Le message est diffusé, à travers l’Europe par les médias, mais l’euphorie est éphémère. Des négociations commencent tout de même. L’objectif est de savoir comment construire cette assemblée européenne. Plusieurs chantiers sont ouverts, culturels, politiques, économiques… Toutefois, ces échanges restent stériles du moment qu’il n’y a pas de « portage politique », de mise en œuvre concrète par un gouvernement par exemple. Dans ce contexte, le portage politique ne peut être que britannique ou français.

Vers la Création du Conseil de l’Europe

À la suite du Conseil de l’Europe est créée une administration du même nom qui siège à Strasbourg. Elle est le fruit de longues négociations entre les différents États européens qui, depuis la Haye, souhaitent collaborer. Les négociations ont lieu en 1948 et 1949, elles sont difficiles, car perturbées par les relations franco-allemandes.

La France a toujours une grande méfiance vis-à-vis de l’Allemagne. Lors de la création de la RFA, la France demande et exige de conserver la région de la Sarre, qui est allemande. Cette demande est validée, mais elle empoisonne les relations. L’attitude américaine qui pousse toujours plus les États à créer des relations et des alliances provoque des oppositions dans les pays européens. Ainsi entre unionistes et fédéralistes, entre certains États et de nombreuses interférences extérieures, il y a beaucoup d’oppositions qui empêchent de réaliser des négociations correctes.

Ouverture conférence de La Haye - Union européenne | Domaine public
Ouverture conférence de La Haye – Union européenne | Domaine public

Le Conseil de l’Europe est créé en mai 1949, il réunit 10 États (Belgique, France, Danemark, Norvège, Suède, Pays-Bas, Grande-Bretagne, Luxembourg, Italie, Irlande). Ces différents États créent une organisation – ne comprenant pas l’Allemagne – et l’objectif de ce Conseil de l’Europe est d’organiser leurs relations diplomatiques. Paul-Henri Spaak est le premier président de ce Conseil.

Les États sont représentés en fonction de leur importance. La première dissension entre eux est l’adhésion de la RFA, l’Angleterre est d’accord, mais la France ne l’est pas. L’un des autres sujets de dissensions est l’économie, les Anglais veulent le libre-échange, mais les autres ne veulent pas mettre en péril leur économie encore fragile.

En somme, le Conseil de l’Europe n’aboutit à rien, car aucun sujet de discussion n’est possible. La construction de l’Europe ne se fera pas à travers cette institution. Les libertés fondamentales (convention européenne des droits de l’Homme), la culture, l’apprentissage des langues sont d’autres sujets traités par le Conseil, mais ils se limitent seulement à cela. Il est une impasse dans la construction européenne. Il faut attendre 1989, pour que le Conseil de l’Europe devienne un sujet très important, en servant de sas d’accueil pour les pays d’Europe de l’Est. Dans le début des années 1990 les pays de l’ex-URSS sont suivis pour réformer leurs institutions, leurs structures économiques et administratives etc.


[1] C’est le début de la différenciation entre l’Europe de l’Est et de l’Ouest.

Quelques liens et sources utiles

Dictionnaire critique de l’Union européenne, Paris, Armand Colin, 2008, 494 p.

Marie-Thérèse Bitsch, Robert Schuman Apôtre de l’Europe (1953-1963), European Interuniversity Press, 2010

Marie-Thérèse Bitsch, Histoire de la construction européenne, Bruxelles, Editions Complexe, 1999 (2e édition), 358 pages.

Robert Frank (dir.), Les identités européennes au XXe siècle : diversités, convergences et solidarités, Paris, Publications de la Sorbonne, 2004, 206 p.

Pierre Gerbet, La France et l’intégration européenne. Essai d’historiographie, Berne, Euroclio, Peter Lang, 1995, 162 p.

Robert Paxton et Julie Hessler, L’Europe au XXe siècle, Paris, Taillandier, 2011

Sylvain Schirmann, Quel ordre européen. De Versailles à la chute du IIIe Reich, Paris, Armand Colin, 2006, 334 p.

Jean-François Soulet, Histoire de l’Europe de l’Est de la Seconde Guerre mondiale à nos jours, Paris, Armand Colin, 2006, 262 p.

Gérard Bossuat, La France et la construction de l’unité européenne. De 1919 à nos jours, Paris, Armand Colin, 2012

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