L'ouvrage coup de cœur d'avril : Petit dictionnaire des Sales Boulots par Nicolas Méra

Les Accords de Bretton Woods, pour reconstruire l’Europe !

Les Accords de Bretton Woods organisent le nouveau système monétaire international. Le dollar devient la seule monnaie convertible en or.
Roosevelt et Churchill, lors de leur rencontre secrète du 9 au 12 août 1941 à Terre-Neuve, ont abouti à la Charte de l'Atlantique, que les États-Unis et la Grande-Bretagne ont officiellement annoncée deux jours plus tard - U.S. Naval Historical Center Photograph | Domaine public
Roosevelt et Churchill, lors de leur rencontre secrète du 9 au 12 août 1941 à Terre-Neuve, ont abouti à la Charte de l’Atlantique, que les États-Unis et la Grande-Bretagne ont officiellement annoncée deux jours plus tard – U.S. Naval Historical Center Photograph | Domaine public

Le 22 juillet 1944, dans un contexte de fin de guerre, les délégués des 44 nations alliées se mettent d’accord sur la mise en place d’un nouveau système monétaire international.

Après trois semaines de longues négociations et portés par une forte influence américaine, les accords monétaires sont signés à Bretton Woods, ville située dans l’ouest américain.

Le débarquement des Américains sur le continent européen dessine les perspectives de victoire pour les alliés. Les États-Unis ne veulent pas perdre temps, et souhaitent rapidement mettre en place un nouveau cadre économique permettant de favoriser la reconstruction du vieux continent, détruit par les combats de la Seconde Guerre mondiale.

Le système financier de l’étalon-or

Dès 1871, dans un contexte de forte expansion industrielle, l’étalon-or est mis en place par l’Empire allemand et se propage dans la majorité des pays industrialisés. Ce système monétaire oblige tous les États à garantir leurs monnaies respectives en or. Pour exemple, entre 1873 et 1934, la valeur d’une once d’or aux États-Unis (environ 31 grammes) était fixée à 20,16$.

Le métal précieux inspire la confiance de par ses nombreuses propriétés et sa valeur universelle. Il devient en quelque sorte la monnaie internationale servant au règlement des échanges commerciaux entre les pays.

Ce fonctionnement monétaire possède de nombreux avantages :

  • Les différentes monnaies ne peuvent pas être émises arbitrairement par les États. En effet, si un pays souhaite imprimer de la monnaie, il se doit d’avoir l’équivalent dans ses réserves d’or. C’est l’un des premiers moyens limitant l’inflation.
  • La parité des monnaies se fait par rapport à l’or, les taux de change sont donc relativement stables. Cette stabilité rassure l’ensemble des acteurs économiques.
  • Le système étalon-or permet également d’équilibrer les économies des pays en favorisant l’équilibre de la balance des paiements.

Cependant ce système monétaire né de la révolution industrielle a montré ses limites en avantageant fortement les pays possédant les plus grandes réserves d’or. Autre problème, il offre très peu de flexibilité aux États qui ne peuvent pas jouer sur la quantité de monnaie en circulation via l’impression de billet.

Les crises financières de l’entre-deux-guerres

L’hyperinflation allemande

Le système de l’étalon-or est suspendu durant la Première Guerre mondiale. Les pays européens ont besoin d’une quantité astronomique d’argent pour financer la guerre. La « planche à billets » est alors mise en place et tourne à plein régime.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale les économies européennes font face à une inflation conséquente, notamment l’Allemagne.

La République de Weimar, vaincue en 1918, refuse de payer les réparations demandées par les alliés. Ils décident alors de se servir en nature afin de punir le pays vaincu. Le gouvernement allemand décide d’instaurer une résistance passive. Les travailleurs arrêtent leurs activités professionnelles mais continues à être payé grâce à l’émission monétaire. Des millions de billets sont imprimés par la banque centrale allemande. La confiance internationale vis-à-vis du Reichsmark s’écroule et l’inflation ne cesse de s’accroître. En 1923, l’hyperinflation allemande atteint un pic. La monnaie perd toute sa valeur. Il faut une brouette entière de billets pour acheter un paquet de cigarettes.

Le Krach boursier de 1929

Les États-Unis n’ont pas été ravagés par les dégâts de la Première Guerre Mondiale et se sont enrichis en vendant des armes aux pays européens. Au début des années 1920, les États-Unis sont la première puissance économique et détiennent plus de 50% du stock d’or mondial.

En 1927, le gouverneur de la FED (Federal Reserve Bank) met en place une politique monétaire afin de favoriser le crédit. Les taux d’intérêt baissent et les particuliers s’endettent massivement. Les banques américaines prêtent de l’argent très facilement. Les ménages augmentent leurs consommations. Tous types de bien s’achètent à crédit. L’industrie américaine ne cesse de se développer et les entreprises s’enrichissent. Les particuliers se mettent à acheter des titres à crédit, ce qui fait fortement monter le cours des actions.

Entre 1922 et 1929, l’indice de Dow Jones augmente de près de 300%. Le cours des actions augmente plus rapidement que le profit des entreprises. Les cours ne reflètent plus l’économie réelle. La réserve fédérale américaine sent le danger venir et décide d’augmenter le taux de base des crédits. Les investisseurs sont découragés à emprunter de l’argent pour acheter de nouvelles actions. La bourse de Wall Street connaît pour la première fois une baisse au début du mois d’octobre. La panique commence à se faire ressentir, les investisseurs commencent à vendre leurs titres.

La chute de l'indice boursier de Wall Street - Gribeco | Creative Commons BY-SA 2.5
La chute de l’indice boursier de Wall Street – Gribeco | Creative Commons BY-SA 2.5

Lors du « jeudi noir », le 24 octobre 1929, près de treize millions d’actions sont à la vente à Wall Street. Il y a davantage de vendeurs que d’acheteurs sur le marché. La bourse de Wall Street s’écroule et la panique s’empare chez tous les spéculateurs.

Les États-Unis connaissent une longue période de récession bien connue sous le nom de la Grande Dépression.

Les objectifs des États-Unis dans la conférence de Bretton Woods

Les accords de Bretton Woods sont impulsés par la volonté des États-Unis. Fort de leur position à l’aube de la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis comptent bien assoir leur puissance économique sur le reste du monde.

L’objectif est de trouver un nouveau système monétaire permettant d’éviter les crises financières de l’entre-deux-guerres et qui favorise la paix.

D’un point de vue politique, les États-Unis souhaitent également étendre leur influence rapidement car ils redoutent que certains pays européens adhèrent aux idéaux communistes.

Une rivalité symbolique

Durant l’été 1944, deux hommes se livrent une bataille d’intérêts.

John Maynard Keynes et Harry Dexter White sont les deux personnages emblématiques des accords de Bretton Woods. Le célèbre économiste J-M. Keynes représente la délégation britannique tandis que H. White, assistant au trésor américain, représente les États-Unis.

À cette époque l’économiste londonien possède déjà une renommée internationale de par ses nombreux travaux économiques. Tout le monde attend avec impatience ses propositions. Les accords de Bretton Woods sont débattus pendant trois semaines. Cependant, Keynes pense et prépare déjà le système monétaire international d’après-guerre depuis plus de trois années.

Dans son plan, Keynes prévoit de créer une nouvelle monnaie qui ne soit pas associée à un pays et qui soit utilisée uniquement pour les échanges internationaux. Keynes souhaite la création d’une banque centrale internationale permettant de superviser la nouvelle monnaie surnommée « bancor« . Il veut que chaque nation reçoive une quantité de bancor relatif en fonction de son poids dans le commerce international. Une des caractéristiques du bancor serait qu’il soit inconvertible en or. De ce fait, les pays excédentaires en bancor ne seraient pas tenté d’accumuler cette monnaie dans leurs coffres pour s’enrichir. Les pays n’auraient donc aucuns intérêt à garder leur excédent de bancor et seraient contraints indirectement d’acheter des marchandises aux pays déficitaires. À travers cette mesure, la balance commerciale pourrait s’équilibrer. Ce mécanisme permettrait d’augmenter les échanges internationaux et favoriserait la croissance mondiale.

Harry Dexter White n’a pas la même popularité que son homologue anglais. Cependant, il a lui aussi préparé son plan en amont L’assistant au trésor américain a les mêmes objectifs que Keynes. Il souhaite que le nouveau système monétaire international soit gage de stabilité pour les États et qu’il stimule la croissance internationale. En revanche, White veut que le dollar américain soit la monnaie de référence pour les échanges commerciaux.

Au sortir de la guerre, les États-Unis sont le pays le plus puissant et influent. C’est pourquoi le plan de White aura le dernier mot.

Le 22 juillet 1944, les accords de Bretton Woods sont signés. Un système de change qui repose sur le dollar convertible en or est adopté. Seul le dollar est convertible en or et toutes les autres monnaies sont indexées sur la monnaie américaine.

Sa valeur est fixé à 35$ par once d’or. Les autres monnaies ont un taux de change dit « fixe » avec une légère souplesse de 1%.

Dexter White et Harry Keyns - International Monetary Fund | Domaine public
Dexter White et Harry Keyns – International Monetary Fund | Domaine public

La naissance de nouvelles institutions internationales

Harry Dexter White est bien conscient qu’un système monétaire international est difficile à stabiliser. Il souhaite à tout prix que les erreurs qui ont mené au Krach boursier de 1929 et à la Grande Dépression ne soient pas répétées. C’est pourquoi deux nouvelles institutions internationales voient le jour.

Le Fonds Monétaire International (FMI) est créé le 27 décembre 1945. Cette institution a pour objectif de veiller à la conservation d’un climat stable pour le commerce international en veillant à ce que les politiques monétaires de chaque État membre respectent bien les accords de Bretton Woods. Son second rôle est de venir en aide au pays en difficulté qui éprouvaient des difficultés avec leur balance commerciale en leur prêtant des liquidités afin de conserver un équilibre monétaire sur les marchés des changes.

La seconde institution créée par les accords de Bretton Woods est la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD). Cette institution était complémentaire à la première. Son rôle était davantage basé sur le développement de la croissance économique mondiale en prêtant de l’argent aux pays ravagés par la guerre pour des projets de reconstruction.

Conclusion

Les accords de Bretton Woods se terminent officiellement le 15 août 1971, lorsque le président américain Richard Nixon annonce publiquement la fin de la convertibilité du dollar en or. Le système financier mondial n’est pu viable pour les États-Unis. Leur réserve d’or a fortement diminué et une tendance inflationniste est présente aux États-Unis dès le début des années 1960. La balance des paiements américaine s’est fortement dégradée pendant la guerre du Vietnam.

C’est la fin du système de taux de change fixe et les taux de change deviennent flottants.

Quand on est dans système de change flottant, c’est complètement différent, c’est précisément l’offre et la demande de chacune des monnaies sur le marché mondial qui fait les prix.

Jean Claude Trichet, gouverneur de la banque de France 1993 à 2003

Bien que le système de Bretton Woods est éclaté en 1971, le dollar est resté la monnaie de référence en matière d’échanges internationaux et l’est encore aujourd’hui…

Les avis sont très controversés au sujet de Bretton Woods et nombreux sont ceux qui ont douté de son efficacité. Le sommet financier reste tout de même une référence mondiale en matière de paix. En effet, les accords financiers ont montré la volonté des différents États à collaborer ensemble pour maintenir la paix mondiale après la Seconde Guerre mondiale.

Quelques liens et sources utiles

Dheeraj Vaidya, Bretton Woods System, Wallstreetmojo Team.

« Keynes contre White : duel à Bretton Woods », Les Echos, 2019.

« Institutions de Bretton Woods : la réforme pour survivre », Les Echos, 2019.

Benn Steil, The Battle of Bretton Woods: John Maynard Keynes, Harry Dexter White, and the Making of a New World Order, Princeton University Press, 2013.

Frédéric Niedzielski, L’enjeu monétaire : des solutions à la crise, FeniXX réédition numérique (Pierron), 1988.

Frederic P. Miller, Agnes F. Vandome, John McBrewster, Étalon-or : Système monétaire, Monnaie, Banque centrale, Cours forcé, Masse monétaire, Or, Accords de Bretton Woods, Bimétallisme, Philippe IV de France, Alphascript Publishing, 2010

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