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Le développement du passeport, pour prouver son identité

Dans le royaume de France, aux XVIIe et XVIIIe siècles, déclarer son identité n’est plus seulement réservé aux élites !
Comment prouver son identité dans l'histoire, la création du passeport - Granger NYC/Rue des Archives Joseph Keppler | Domaine public
Comment prouver son identité dans l’histoire, la création du passeport – Granger NYC/Rue des Archives Joseph Keppler | Domaine public

Dans le royaume de France, aux XVIIe et XVIIIe siècles, déclarer son identité n’est plus seulement réservé aux élites, souhaitant prouver leur noblesse. Au début de l’époque moderne, la tradition veut que l’identification d’une personne se fasse à travers les témoignages oraux et les signes distinctifs.

Toutefois, une nouvelle technique d’identification avec le papier écrit se développe. Différents documents commencent à se répandre comme les registres hôteliers, les lettres de naturalité et l’un des plus importants, le passeport.

L’élargissement du passeport, une nouvelle utilité pour les populations

Le terme de passeport est, dans un premier temps, utilisé au Moyen Âge pour parler des marchandises dont il assurait la libre circulation, comme les transports de métaux précieux. L’objectif n’est pas de contrôler les frontières, mais les marchandises entrant et sortant du territoire.

C’est en suivant cette logique de préoccupation des entrées et sorties du territoire que le passeport est ensuite étendues aux personnes pour se rapprocher de la fonction que nous lui connaissons. Ce document est à l’époque appelé sauf-conduit, car il correspondait à une permission de déplacement.

Dès les années 1720, le recours au passeport devient de plus en plus systématique à travers la population française. Il est d’abord confié aux populations mobiles qui souhaitent voyager à l’étranger. Cela concerne donc les ambassadeurs, les pèlerins, certains marchands ou étudiants, mais également les soldats et les criminels. Ils utilisaient le sauf-conduit principalement pour éviter les arrestations, les rumeurs de vagabondage, mais aussi pour légitimer leurs déplacements.

L’utilité du passeport s’élargit à nouveau à la fin du siècle en étant utilisé par les groupes ouvriers. Il atteste de leur implication au travail en retranscrivant tous leurs voyages professionnels.

Des informations pour clarifier une situation

Ce qui fait du passeport un document si important à l’époque, est qu’il contient des informations précises et considérées comme légitimes. Contrairement aux registres hôteliers ou aux lettres de naturalité qui se développaient également à l’époque, les sauf-conduits pouvaient être utilisés par l’ensemble de la population et dans tous types de déplacements. De plus, ils se répandent en Europe et ont donc voix dans différents pays comme l’Italie ou l’Espagne.

Les informations premières de ces passeports sont sensiblement les mêmes : le nom, l’âge et parfois la filiation. À cela, s’ajoute l’identité des escortes ou esclaves quand il y en a.

Mais ce qui fait le propre du sauf-conduit au milieu du XVIIIe siècle reste les recommandations privées. L’attestation de déplacement se fait surtout par l’intermédiaire de personnalités religieuses faisant foi d’autorité et pouvant garantir la bonne morale du voyageur.

Cela explique que le passeport pouvait être émis à la fois par des autorités royales, religieuses, militaires et municipales. Parmi les informations qui comptent, ce n’est pas tant l’identité de la personne mais le fait qu’elle soit reconnue comme une bonne personne par les autorités.

Passeport français de 1815 tiré des archives de la famille De Clarens, montrant une réglementation des voyages - Archives de la famille De Clarens | Creative Commons BY-SA 3.0
Passeport français de 1815 tiré des archives de la famille De Clarens, montrant une réglementation des voyages – Archives de la famille De Clarens | Creative Commons BY-SA 3.0

Le développement du sauf-conduit par les autorités, un moyen de surveillance

Au Moyen Âge, le sauf-conduit était utilisé de manière à garantir la sécurité des personnes en contrôlant les biens entrant sur le territoire. Rapidement, les autorités lui trouvent une nouvelle utilité : le contrôle de la population. Une méfiance envers la mobilité se développe au XVIIIe siècle. Le voyage est considéré comme un signe de dissimulation s’apparentant à un refus de travailler, à de l’espionnage ou du libertinage.

Toute personne peut devenir suspecte. Une surveillance systématique se met en place à l’encontre des étrangers entrant dans le royaume, mais également envers les ouvriers ou les marchands quittant le territoire pour le travail. Une véritable procédure est donc mise en place par le pouvoir et le passeport est rendu obligatoire pour une partie de la population à la fin du XVIIIe siècle. Pour compléter ce contrôle, d’autres papiers sont ajoutés, comme les livrets pour les ouvriers.

Cependant, cette procédure d’identification a des limites. La délivrance des papiers n’est pas centrale et la procédure est inégale. De plus, les contrôles sont aléatoires ce qui entraîne une méfiance et un soupçon général puisqu’il n’y a aucune certitude.

L’exemple d’un passeport, Gilles Caillotin

L’un des passeports connu est celui de Gilles Caillotin, un « mendiant » qui effectue le pèlerinage à Rome. Il part le 1er septembre 1724 et rentre un mois et demi plus tard, le 17 octobre. C’est durant son retour vers Reims que Caillotin décrit son trajet au travers le passeport.

Il insiste sur le caractère passager du pèlerinage et sur la perception des voyageurs par les autorités. Comme indiqué sur le papier, ce passeport lui a été délivré par les administrateurs de l’hôpital général de Grenoble le 18 juillet 1724. Ce document est crucial pour son pèlerinage à Rome, puisque les mois suivant l’acquisition du passeport, le pouvoir royal développe une politique contre le vagabondage, les pèlerins devenant des suspects privilégiés. Il est désormais exigé de posséder un sauf-conduit pour chaque sortie du pays.

G. Caillotin peut donc effectuer son voyage uniquement grâce à sa pièce d’identité qui lui permet de passer les frontières sans se faire arrêter.

Quelques sources utiles

CONCHON Anne, « Croissance des échanges et circulation de papiers en France au XVIIIe siècle », Revue historique, vol. 695, no 3, Presses Universitaires de France, Paris cedex 14, 2020

JULIA Dominique (dir.), Gilles Caillotin, pèlerin : Le retour de Rome d’un sergier rémois, 1724, Rome, Publications de l’École française de Rome, 2013

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