L'ouvrage coup de cœur d'avril : Petit dictionnaire des Sales Boulots par Nicolas Méra

La mouvance nationale marocaine sous le Protectorat français

Après la signature de la convention du protectorat, les Marocains se révoltent, et plusieurs partis politiques réclament l'indépendance.
Entrée des troupes coloniales françaises commandées par le général Charles Mangin à Marrakech en septembre 1912 - Charles-Joseph-Alexandre Cornet | Domaine public
Entrée des troupes coloniales françaises commandées par le général Charles Mangin à Marrakech en septembre 1912 – Charles-Joseph-Alexandre Cornet | Domaine public

En 1902, le Maroc signe la convention du Protectorat français. Résigné et sans avoir trop de choix, le souverain marocain finit par céder à la volonté de la France. Troquant, ainsi, l’indépendance de son pays contre les prédispositions d’une convention qui promet la protection de son Royaume.

C’est ainsi que le protectorat français s’est concrétisé au Maroc devenant le régime politique officiel du pays, et mondialement reconnu, il autorise à la République française la régence de tout l’Empire Chérifien.

Bien que conclue en complet accord avec les autorités marocaines, la convention du Protectorat, n’a fait que déclencher des vagues de sédition à l’échelle nationale. Une insurrection générale a donné lieu à la naissance de « la mouvance nationale marocaine » et avait comme finalité primordiale l’obtention de l’indépendance du pays.

Jouant le rôle de proconsul et de gouverneur général français au Maroc, Hubert Lyautey avait affaire à une rébellion implacable de la part des Marocains, ce qu’il déclare lui-même, à peine deux ans après la signature de la convention, dans un discours tenu à la chambre de commerce de Lyon.

« Au Maroc, nous nous sommes trouvés en face d’un Empire historique et indépendant, jaloux à l’extrême de son indépendance, rebelle à toute servitude, qui jusqu’à ces dernières années, faisait encore figure d’État constitué, avec sa hiérarchie de fonctionnaires, sa représentation à l’étranger, ses organismes sociaux dont la plupart subsistent toujours, malgré la défaillance récente du pouvoir central. »

Discours de Lyautey à la chambre de commerce de Lyon, 29 février 1916

La lutte nationale contre le Protectorat français

Les premières luttes armées mettent à mal la mainmise de la France sur cette terre d’Afrique. Les forces indépendantistes, ne souhaitant qu’une chose, son indépendance de la France, puissance coloniale.

La bataille de Sidi Bou Othmane

D’abord la bataille de Sidi Bou Othmane, en 1912, aux prémices du Protectorat, le général Lyautey ordonne à ses forces et notamment le colonel Charles Mangin de conquérir la ville de Marrakech. Considérée comme la capitale du sud, la France voulait en prendre possession et l’annexer dans son projet d’invasion. La bataille s’est alors déclenchée et a eu lieu précisément à Sidi Bou Othmane, un village au nord de la ville de Marrakech. Elle était totalement victorieuse pour la France et ses pertes n’ont pas dépassé les cents blessés pour un seul mort.

Du côté des Marocains, sous le commandement d’Ahmed al-Hiba, dépositaire d’une certaine notoriété qu’il a héritée de son père « Maa El Ainain » un grand résistant très connu des Français lors des anciennes batailles, il est atrocement battu et son bilan de combat recense plus de 1000 hommes morts.

La victoire française se doit aussi en partie à la défection, voire la trahison de certains grands caïds Marocains comme El Glaoui.

La bataille d’Elhri

C’est au plein centre du Maroc dans un tout petit village connu sous le nom de « Elhri » que la bataille a eu lieu. C’est un archipel de tribus éparpillés dans les arrière-pays de Khenifra une ville qui se situe à 15km d’Elhri et qui est connue par sa population amazigh nommée « Zayane ». Des hommes féroces, très fanatiques de leur patrie, et prêts à tout pour exclure cette France colonisatrice qui commençait désormais à s’adonner à leur terre, les Berbères Zayanes condamnent et déclenchent même une bataille contre la France.

C’est en 1914, lorsque la France a nommé l’officier René Philippe Laverdure chef du territoire Zayane-Khenifra que les troupes berbères, sous le commandement de Mouha Ou Hammou Zayani, ont constitué une armée, et installé un campement dans le périphérique de la ville de Khénifra. Une décision qui avait provoqué l’armée française présente sur les lieux, et a déclenché la bataille d’Elhri. En toute imprudence Philippe Laverdure décide de s’attaquer aux hommes de Moha Ou Hammou Zayani, ce qui était jugé injustifié et injuste par l’état major français. Le bilan de la bataille est donc désastreux pour la France.

Laverdure est atrocement battu et la France reconnaît sa défaite avec 33 officiers et plus de 500 hommes tués.

Le premier mouvement nationaliste marocain

Le jeune sultan assis avec l'ancien résident général français, Hubert Lyautey, en 1930 - Agence Rol. BnF | Domaine public
Le jeune sultan assis avec l’ancien résident général français, Hubert Lyautey, en 1930 – Agence Rol. BnF | Domaine public

Considéré comme le père fondateur de la diplomatie marocaine, Ahmed Balafrej est l’homme qui a amorcé le mouvement nationaliste marocain. En 1926, un an avant la mort du roi Moulay Youssef la diplomatie marocaine jaillit de son inertie, et réalise une première organisation nationaliste marocaine, dite « la Société des amis de la vérité ». L’organisation avait plus une perspective de non seulement s’opposer au colonialisme déjà présent mais aussi de freiner l’expansion de celui-ci, et enfin lutter contre toute forme de ségrégation ethnique notamment celle établie par les autorités françaises sur les tribus amazighes. 

Le comité d’action marocaine

Quelques années plus tard après les premières manifestations diplomatiques marocaines contre l’invasion française au Maroc, il y a eu plusieurs changements au Royaume notamment la mort du roi Moulay Youssef en 1927, et la désignation du nouveau roi Mohammed V par les autorités françaises. Cette période a vu naitre ainsi le « Comité d’action marocaine », en 1933, cinq ans déjà sous le règne du roi Mohammed V.

Ahmed Balafrej présidait le comité d’action marocaine qui regroupait plusieurs jeunes Marocains de tout le Maroc. Il était ainsi l’auteur d’un « Plan de réforme » édité en 1937 et qui rappelle l’importance de l’école marocaine, et était même à l’origine de l’ouverture de l’école Mhamed Guessous à Rabat et Nahda à Salé. La même année le comité se dissous et donne naissance à plusieurs partis politiques qui continuèrent à leur niveau l’action de résistance nationale. Principalement le Parti Al Istiqlal, parti de droite, naquit de la vocation de l’obtention de l’indépendance, Allal El Fassi était son fondateur.

Le Manifeste de l’indépendance

Présenté le 11 janvier 1944 par l’ensemble des nationalistes au sultan le roi Mohammed V, le manifeste de l’indépendance est un texte recelant un certain nombre d’actions rassemblées dans un document qui représente le programme qui est censé mener le Maroc à l’indépendance. Le Manifeste a été envoyé en France, émargé par plus de 60 nationalistes dont Ahmed Balafrej qui était l’un des principaux rédacteurs.

Dans le Manifeste lit-on :

« I-  En ce qui concerne la politique générale :

  • De demander l’indépendance du Maroc dans son intégrité territoriale sous l’égide de Sa Majesté Sidi Mohammed Ben Youssef, que Dieu le glorifie ;
  • De solliciter de Sa Majesté d’entreprendre avec les nations intéressées des négociations ayant pour objet la reconnaissance et la garantie de cette indépendance, ainsi que la détermination dans le cadre de la souveraineté nationale des intérêts légitimes des étrangers au Maroc. »
  • De demander l’adhésion du Maroc à la Charte de l’Atlantique et sa participation à la Conférence de la paix. »

L’envoi du Manifeste fut l’élément déclencheur de plusieurs insurrections à l’échelle nationale. Des affrontements violents entre les colons français et les Marocains ont provoqué 60 morts, notamment à Salé et Rabat. Suite à cette révolution sanglante, les autorités françaises ont procédé à l’emprisonnement de plusieurs jeunes adhérents à des partis nationalistes.

Ahmed Balafrej fut exilé en Corse, à son retour au Maroc on le nomma le Secrétaire Général du Parti Al Istiqlal. Depuis, il n’a cessé de faire résonner la question du protectorat à l’échelle internationale, optant pour une alternative diplomatique plutôt que celle des armes.

Sans le savoir, les Marocains marquent l’histoire du royaume par cette initiative, symbole de l’union entre le souverain et le peuple dans son intégralité. Une action solidaire, nationaliste et patriotique qui achemina le Maroc vers une indépendance diplomatique, lui ôtant tout prisme français sur ses décisions nationales. Le Manifeste de l’indépendance fut alors qu’une marche qui a approché le Maroc de son indépendance.

Quelques liens et sources utiles

Edouard Moha, Histoire des relations franco-marocaines, Picollec, 1995

Guillaume Denglos, La revue Maghreb (1932-1936) : Une publication franco-marocaine engagée (Histoire et perspectives méditerranéennes), L’Harmattan, 2015

Henri-Jean-Jules Mordacq, La guerre au Maroc : enseignements tactiques des deux guerres franco-marocaine 1844, Hachette Livre BNF, 2016

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