L'ouvrage coup de cœur d'avril : Petit dictionnaire des Sales Boulots par Nicolas Méra

La maréchale de Guébriant, ambassadrice de France

À l’époque moderne, la France s’illustre en étant la diplomatie la plus présente sur le continent européen, avec la maréchale Guébriant.
Cérémonie du contrat de mariage entre Władysław IV, roi de Pologne, et Marie Louise Gonzague, princesse de Mantoue, à Fontainebleau - Abraham Bosse | Domaine public
Cérémonie du contrat de mariage entre Władysław IV, roi de Pologne, et Marie Louise Gonzague, princesse de Mantoue, à Fontainebleau – Abraham Bosse | Domaine public

À l’époque moderne, la diplomatie se développe de manière importante en Europe ; et la France s’illustre en étant la diplomatie la plus présente sur le continent.

Les ambassadeurs sont choisis parmi la cour du roi et la noblesse en fonction de leur statut. La fonction est masculine en raison du critère de choix principal : la participation à la Guerre. Toutefois, au milieu du XVIIe siècle, cette fonction est accordée à une femme, la maréchale de Guébriant.

Une femme de diplomate

Renée Crespin du Bec, la maréchale de Guébriant - Auteur inconnu | Domaine public
Renée Crespin du Bec, la maréchale de Guébriant – Auteur inconnu | Domaine public

Renée Crespin du Bec (1614-1659) est issue d’une grande famille normande. 

Elle épouse dans un second mariage Jean-Baptiste Budes de Guébriant et devient ainsi la comtesse de Guébriant. 

Lorsque son mari part à la guerre de Trente Ans, elle devient officiellement sa représentante. Selon Jean Le Laboureur, elle participe aux victoires de son mari en demandant au gouvernement des renforts. 

En effet, elle le représente à la cour et entretient ses contacts avec les ministres. 

C’est avec cet investissement dans les affaires de France de son mari qu’elle se démarque dans son rôle de diplomate. Elle attire l’attention de la régente, du dauphin et du Premier ministre, et se voit confier quelques années plus tard une ambassade en Pologne.

Ambassade à Varsovie

En 1645, Marie de Gonzague, princesse italienne, se marie avec le roi Ladislas IV de Pologne. Le mariage en Pologne représente un enjeu important, dû à la puissance du pays capable de mobiliser les noblesses guerrières aussi bien que les milices paysannes. De plus, la Pologne s’oppose à l’Empire ottoman. Il est donc nécessaire au pouvoir français d’envoyer la diplomatie.

L’instruction de Louis XIV

La fonction est confiée par Mazarin et Anne d’Autriche à la comtesse de Guébriant. Elle est donc désignée dans une instruction de Louis XIV comme « ambassadrice extraordinaire » et « surintendante de la conduite de la reine ». 

L’objectif de l’ambassade y est défini. La maréchale doit s’assurer de l’exécution des termes du contrat de mariage en accompagnant la reine de Pologne et surtout elle se doit à travers son action de promouvoir l’alliance française auprès de la Suède et des princes allemands.

Pour être sûr de son efficacité, ses champs d’action sont également précisés dans cette instruction. Renée Crespin du Bec doit avant tout se fier aux ambassadeurs qui eux, connaissent déjà les codes de la cour du roi de Pologne. Elle se doit de bien se comporter et d’agir avec prudence tout en intervenant si des actions peuvent avoir un impact négatif à l’encontre du roi et de la couronne de France. Elle ne doit pas donner des conseils, mais seulement tenir des discours pouvant éclairer. Au-delà d’aiguiller la maréchale, ces consignes indiquent clairement l’attitude diplomatique de la France : la priorité reste la fidélité des alliances et le maintien des unions.

Le bon déroulement de l’ambassade

Un cortège est donc organisé avec la maréchale accompagnée de sa nièce, Anne de Guébriant et de l’évêque d’Orange. C’est après un trajet dangereux marqué par les traces de la guerre de Trente Ans que le cortège arrive en mars 1646 à Varsovie.

Afin d’assurer sa place, la maréchale voit son trajet marqué par les honneurs qu’elle reçoit à travers de nombreuses allusions à son mari et à ses exploits. 

Carrosse de Marie Louise de Gonzague - Peter Danckerts de Rij | Domaine public
Carrosse de Marie Louise de Gonzague – Peter Danckerts de Rij | Domaine public

En effet, au début de sa mission, la réputation de la maréchale comme ambassadrice ne dépend que de la position du comte de Guébriant. Ainsi, dans la lettre de créance qui présente la maréchale au roi de Pologne, le roi souligne la réputation et la valeur du maréchal dans sa conduite des armées en Allemagne. L’objectif est de démontrer l’importance de l’honneur dont dispose la comtesse.

La mission se révèle être une réussite avec le roi de Pologne qui montre satisfaction. Ce dernier offre de nombreux cadeaux au cortège, notamment une robe de diamant pour la nièce de la maréchale. Ce succès montre la capacité des ambassadrices à amener une mission diplomatique à son terme dans les meilleures conditions.

Une ambassade symbolique : unique diplomate de France ?

La mission diplomatique effectuée par la comtesse de Guébriant est remarquable. Néanmoins, se pose la question de la rareté de ce rôle de diplomates accordé aux femmes, dans lequel les sources divergent.
Des auteurs comme Saint-Simon affirmement la position unique de la maréchale. Cette idée va également être appuyée dans des ouvrages comme le Traité sur l’ambassadeur de Wicquefort en 1681.

A contrario, d’autres contemporains évoquent des princesses envoyées également sous Louis XIV comme diplomate ; même si d’après les sources aucune d’elles n’auraient reçu de titres officiels par le roi de France.

Quelques liens et sources utiles

BELY Lucien, « X. La maréchale de Guébriant : l’unique ambassadrice ? », in L’art de la paix en Europe, Paris cedex 14 : Presses Universitaires de France, 2007, p. 213‑224

LE LABOUREUR Jean, Relation du voyage de la Reine de Pologne, et du retour de Madame la Maréchale de Guébriant, ambassadrice extraordinaire, 1647

LE ROUX Nicolas, « Isabelle Poutrin, Marie-Karine Schaub (ÉD.), Femmes et pouvoir politique. Les princesses d’Europe, XVe-XVIIIe siècle, Rosny-sous-Bois, Bréal, 2007, 334 p » Revue d’histoire moderne & contemporaine, vol. 58‑4, nᵒ 4, Belin, Paris, 2011, p. 160‑162

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