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La guerre de Sept Ans (1756-1763) : premier conflit mondialisé

À l'aube de la Révolution française, une guerre d'une ampleur inédite éclate, la Guerre de Sept Ans. Les puissances européennes s'affrontent !
La prise de Québec - Hervey Smith | Domaine public
La prise de Québec – Hervey Smith | Domaine public

Souvent peu connue et peu étudiée des programmes scolaires, la guerre de Sept Ans est pourtant majeure dans l’histoire de l’Europe, à l’aube de la Révolution française.

Un climat européen entre rivalités territoriales et ambitions de puissance

La guerre de Sept Ans se déroule entre 1756 et 1763, majoritairement en Europe. Dans cette guerre, deux camps s’opposent : une coalition de belligérants composée de la France, de l’Autriche et de la Russie, gouvernés respectivement à l’époque par Louis XV, Marie-Thérèse I et Elizabeth I. La seconde coalition est formée de la Prusse, du Royaume-Uni et du Portugal. Elle est dirigée par l’empereur prussien Frédéric II le Grand et par le Premier ministre britannique William Pitt l’Ancien. 

Cette guerre s’inscrit dans un contexte de rivalités entre les nations européennes. D’abord, entre la France et l’Angleterre. En effet, à cette époque les deux puissances possèdent notamment des colonies en Amérique du Nord, et souhaitent s’y imposer. Par exemple, le territoire de l’Ohio faisait déjà l’objet de tensions entre les deux pays avant le début de la guerre.

La Prusse et l’Autriche sont également en mauvais termes. En amont de la guerre de Sept Ans, deux conflits les ont déjà opposé au sujet de la Silésie. Cette région est historiquement rattachée à l’Autriche mais fut acquise par la Prusse en 1745 lors du traité de Dresde. La Silésie étant une région peuplée et développée, elle représente un enjeu majeur pour les deux puissances européennes. Ainsi, l’impératrice Marie-Thérèse I s’allie notamment à la France et à la Russie pour reconquérir la Silésie.

L’alliance entre la France des Bourbons et l’Autriche des Habsbourg est inédite puisque les deux maisons s’opposaient jusqu’à présent depuis deux siècles. L’objectif poursuivi est de récupérer la Silésie, et plus généralement, d’affaiblir la Prusse de Frédéric II, qui est une puissance montante.

Le déroulement du conflit en Europe et l’inversion du rapport de force

La Prusse lance les premières offensives en Saxe, qui est un Lander actuel de l’est de l’Allemagne, mais l’armée autrichienne prend le dessus. La bataille de Kolin, en juin 1757, est marquée par la défaite de Frédéric II. Vient ensuite une contre-offensive simultanée de la Russie en Prusse orientale, de la France dans le Hanovre, qui est un territoire appartenant à l’Angleterre, et de la Suède, ayant rejoint l’alliance un peu plus tard, depuis la côte nord de la Prusse. L’armée française remporte les batailles dans le Hanovre et contraint les Anglais à signer la capitulation de Kloster-Zeven en septembre 1757.

À la fin de cette même année, Frédéric II de Prusse sort victorieux face aux Français en Saxe, mais également en Silésie. En effet, la région, bien qu’annexée par la Prusse en 1745, était encore en grande partie occupée par les autrichiens. Cette victoire est donc une reprise réelle du contrôle prussien sur la Silésie. Plus tard, plusieurs défaites de Frédéric II face aux armées autrichienne et russe, marquent l’arrivée de ces dernières sur le territoire prussien. Berlin, la capitale du royaume de Prusse, est occupée du 9 au 12 octobre 1760. Enfin, la dernière grande défaite de Frédéric II est le siège puis la capitulation de la ville de Kolberg, en décembre 1761, face à l’armée impériale russe.

Chute de la ville prussienne de Kolberg en 1761 - Alexander Kotzebue | Domaine public
Chute de la ville prussienne de Kolberg en 1761 – Alexander Kotzebue | Domaine public

Deux ans plus tard, alors que la Prusse semble dominée, la guerre connaît un renversement avec la mort de l’impératrice russe Elisabeth II. Le nouveau tsar, Pierre III, est germanophile et souhaite se retirer de la guerre, par admiration pour Frédéric II de Prusse. Par conséquent, les deux États signent un traité de paix et le rapport de forces de la guerre en est changé. Après la victoire prussienne lors de la bataille de Burkersdorf en Silésie, en juillet 1762, l’Autriche est épuisée financièrement et se résout à engager des négociations de paix pour mettre fin au conflit.

Les conflits franco-britanniques, hors du sol européen

Carte des positions françaises et britanniques à la veille de la guerre- Auteur inconnu | Domaine public
Carte des positions françaises et britanniques à la veille de la guerre- Auteur inconnu | Domaine public

Les premières batailles débutent en 1754, en Amérique du Nord. La France, menée par le Marquis de Montcalm, connaît une série de victoires, conclut par l’arrivée à Fort Oswego en août 1756.

Cependant, à partir de 1758, la supériorité numérique des Anglais inverse la tendance. Les territoires de Louisbourg, Fort Duquesne, Québec et Montréal sont perdus un à un entre 1758 et 1760 et marquent la capitulation française dans la région. Dans les Antilles, le résultat est similaire avec les victoires anglaises en Guadeloupe et en Martinique. Enfin, en Inde, les possessions françaises sont toutes reprises. La défaite de 1761 à Pondichéry, au sud-est du pays, marque la victoire anglaise.

Des aspects nouveaux

Au milieu du XVIIIe siècle, un conflit à échelle mondiale est inédit. Toutefois, d’autres éléments rendent la guerre de Sept Ans encore plus particulière. L’opposition des deux coalitions est une opposition entre deux systèmes politiques. D’un côté, les monarchies absolues de la France, de l’Autriche, de la Russie et de la Suède et de l’autre la monarchie dite « éclairée » de Frédéric II de Prusse et la monarchie limitée de l’Angleterre.

De plus, l’Amérique anglaise et française s’opposent en tous points. Les colonies anglaises sont majoritairement protestantes alors que celles des Français sont catholiques et le pouvoir très centralisé en Nouvelle France se distingue de la politique beaucoup moins centralisée de l’Angleterre sur ses possessions américaines. Ainsi, par ses motifs politico-religieux, la guerre de Sept Ans dépasse les conflits classiques de son époque.

L’ampleur des pertes humaines est également sans précédent. On dénombre plus d’un million trois cent mille victimes dont de nombreux civils. Les batailles furent très meurtrières, à l’instar de la bataille de Zorndolf en 1758 entre la Russie et la Prusse. Cette dernière aurait perdu 10 % de sa population totale dans cette guerre.

Durant la guerre de Sept Ans, la forte mobilisation économique et militaire des États ainsi que le développement d’un patriotisme chez les nations européennes ont entraîné une « montée aux extrêmes ». Cette idée d’une utilisation de tous les moyens possibles pour arriver à la victoire et d’un idéal unissant les politiques et la nation vient de l’ouvrage De la guerre, publié en 1832 par l’officier prussien Carl Von Clausewitz, dans lequel il tente de théoriser la guerre, ayant lui-même participer pendant plusieurs années aux guerres révolutionnaires et napoléoniennes.

Enfin, la violence de ce conflit est aussi marquée par la déportation du peuple des Acadiens. En effet, les colons britanniques imposent au peuple de quitter l’Acadie dès leurs premières victoires au Canada. Ainsi, entre 1755 et 1762, environ douze mille Acadiens ont été emmenés loin de leurs terres par navire. Nombre d’entre eux sont alors morts en mer, de maladie, de faim ou de noyade. Aujourd’hui encore, l’Acadie commémore chaque année cet événement tragique de leur histoire. Cette opération de nettoyage ethnique britannique, aussi appelée « Le Grand Dérangement », est un point de rupture dans le degré de violence atteint dans une guerre du XVIIIe siècle.

Issue et conséquences du conflit

Les affrontements entre la France et l’Angleterre prennent fin avec la signature du traité de Paris en 1763. La France perd le Canada mais conserve ses îles antillaises et ses comptoirs indiens. Cependant, le contrôle français en Inde est très largement réduit au profit de celui de l’Angleterre. Cette dernière sort victorieuse et s’impose comme thalassocratie, c’est-à-dire comme une puissance qui domine par le contrôle des espaces maritimes. La fin de la guerre Sept Ans marque ainsi les prémices de la suprématie britannique du XIXe siècle au début du XXe siècle. Le traité d’Hubertsbourg est quant à lui signé par l’Autriche et la Prusse, cette dernière conservant la région de la Silésie tant convoitée.

Ce premier conflit mondialisé a accéléré les mutations politiques en Europe et en Amérique. Ce conflit a véritablement mené à la révolte en Amérique, pour l’indépendance. Et, en France, le peuple exprime un mécontentement croissant envers les élites, dû aux défaites répétées de Louis XV dans cette guerre. Pour l’historien français Edmond Dziembowski, un « nouveau patriotisme » se développe, puisque après 1763 de nombreux Français souhaitent jouer un rôle actif pour leur nation et se revendiquent désormais comme citoyen.

Quelques liens et sources utiles

Pour une lecture détaillée et une meilleure compréhension du conflit :

Dziembowski, Edmond. La guerre de Sept Ans. 1756-1763Perrin, 2015

Pour une lecture plus spécialisée sur les relations internationales au XVIIIe siècle :

Belissa, Marc, Edmond Dziembowski, et Jean-Yves Guiomar. « De la guerre de Sept ans aux révolutions : regards sur les relations internationales », Annales historiques de la Révolution française, vol. 349, no. 3, 2007, pp. 179-202.

Les Arènes du Savoir. (2021, 14 décembre). La guerre de Sept Ans : une guerre mondiale [Vidéo]. 

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