L'ouvrage coup de cœur d'avril : Petit dictionnaire des Sales Boulots par Nicolas Méra

La crise internationale de Tanger au Maroc

La crise internationale de Tanger marque l'histoire coloniale du Maroc, en effet, le pays est en proie aux puissances européennes.
Guillaume II traversant à cheval la ville de Tanger - Auteur inconnu | Domaine public
Guillaume II traversant à cheval la ville de Tanger – Auteur inconnu | Domaine public

Après le premier conflit opposant le Maroc à la France en 1844, et depuis, l’Empire Chérifien git dans une crise économique, ainsi qu’une crise politique de renommée. Cette précarité fait du Maroc une proie facile face aux différents empires coloniaux européens.

L’Espagne, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France, quatre puissances occidentale, voient en le Maroc une opportunité d’expansion économique, une portion de terre stratégiquement bien située, et donc une incontournable source de richesses.

La guerre hispano-marocaine 1859-1860

D’abord, l’Espagne, qui en 1859 s’engage dans un conflit avec le Maroc, c’est la guerre hispano-marocaine. Une occupation continue du nord du Maroc, qui voit une série de batailles être livrées. La marine espagnole attaque le large marocain, et s’intéresse précisément à trois villes : Tanger, Tétouan et Larache.

Leopoldo O’Donnelle, maréchal et président du gouvernement d’Espagne, était le commandant durant ces batailles et agissait en tant que 1er corps d’armée espagnole. En novembre 1859, ce dernier ordonne la réalisation de plusieurs campements militaires aux alentours de la ville de Ceuta. L’armée marocaine ne tarde pas à attaquer les campements en y envoyant des milliers de soldats. La bataille n’enregistre que de faibles pertes. Elle n’est qu’un premier épisode dans cette série de batailles, qui allait affaiblir encore plus l’Empire Chérifien.

Toutefois, l’Espagne se confronte à de nombreuses difficultés : les attaques intarissables de l’armée marocaine d’une part ; et la propagation des maladies d’autre part. Ce qui rend la tâche difficile pour les colons espagnols, mais qui pour autant, ne les a pas empêché de mettre la main sur la ville de Tétouan et de la conquérir implacablement en 1860 par le général Juan Prim.

L’offensive espagnole dure une année, où plusieurs batailles précarisent davantage le Maroc. L’Espagne en est sortie conquérante, s’emparant de la ville de Tétouan et recevant la somme de 20 millions de réaux espagnols par le Maroc.

Le traité d’Oued El-Ras signé entre l’Espagne et le Maroc, sous la demande du souverain marocain a pu mettre fin à la guerre, mais il accorde plusieurs avantages à l’Espagne. Le traité de paix est très « désavantageux » pour le Maroc. Il stipule l’agrandissement des frontières de la ville de Melilla et de Ceuta, qui sont deux villes espagnoles ayant des frontières directes avec le Maroc, sur le contient africain.

Les guerres franco-marocaine de 1844 et hispano-marocaine de 1860 ont altéré le Maroc, déjà fragilisé par les maladies etles différentes crises économiques et politiques, dans un monde où émerge « la tendance » de colonisation des pays du tiers-monde par les puissances occidentales. La crise internationale de Tanger n’est alors que le rendu de cette « course » entre les pays européens, qui ont eu la volonté de s’emparer des richesses de l’Empire Chérifien.

L’invasion pacifique du Maroc

C’est aux prémices du XXème siècle que la première politique de pénétration du territoire par les Français a lieu. Une tribu de Rifains (population amazighe du nord-est du Maroc) a abattu 38 soldats français appartenant à la Légion étrangère de sud-Oran, événement idéal pour la France. Le général Lyautey est alors nommé à la tête des forces sud-oronaises.

En plus de sa volonté d’agrandir l’AFN, et de conquérir tout le Maghreb, la France voit en cette attaque une raison directe pour coloniser le Maroc, allant jusqu’à concevoir « tout un projet de conquête militaire dans une grande expédition »[1]. Ce même principe, d’événement mineur, qui devient une raison légitime, a été utilisé pour lancer la colonisation de la future Indochine.

En 1903, Jean Jaurès, en sa qualité de grand politicien français agissant sur les questions relatives à l’AFN, avait fortement suggéré « la pénétration pacifique ». C’est une proposition qui dénonce le recours aux armes et favorise la paix. Mais face aux intérêts dits « de premier ordre », la France fini par retoquer l’approche pacifiste et opte finalement pour la force.

Le Coup de Tanger

Il a fallu attendre deux ans pour que la France démontre son ultime intention de coloniser le Maroc, en déclenchant une crise internationale entre les pays européens qui partageaient la même volonté. La France alors n’a pas pu lancer son invasion du Maroc sans devoir négocier avec ses concurrents : le Royaume-Uni, l’Espagne, et l’Allemagne.

La France a établi un accord bilatéral avec le Royaume-Uni (l’entente cordiale) qui stipulait le renoncement de toute initiative coloniale de la part du Royaume-Uni au Maroc. L’Espagne de son coté, avait gardé les deux villes de Ceuta et de Melilla avec une occupation de tout le sud du Maroc. Tandis que l’Allemagne qui, jusqu’alors n’avait toujours pas pris sa part du gâteau, et qui avait obstinément démontré sa volonté de protéger le Maroc, ne privilégie en aucun cas le dialogue avec la France. Elle préfère défendre rigoureusement ses projections.

Ce qui se concrétise le 31 mars 1905, avec l’arrivée de la flotte allemande, qui débarque à Tanger. L’empereur allemand Guillaume II rencontre le souverain marocain Abdelaziz. Cette rencontre a pour objectif de freiner les intentions coloniales françaises, et de signer de nombreux accords entre les deux pays, notamment pour assurer la sécurité et la protection de l’Empire chérifien. Chose qui n’a pas manqué de provoquer d’importantes tensions entre les puissances européennes, et notamment la France, ce qui conduit à la crise internationale de Tanger.

Ma visite à Tanger a pour but de faire savoir que je suis décidé à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour sauvegarder efficacement les intérêts de l’Allemagne au Maroc. Puisque je considère le Sultan comme un souverain absolument libre, c’est avec lui que je veux m’entendre sur les moyens propres à sauvegarder ces intérêts. Quant aux réformes que le Sultan a l’intention de faire, il me semble qu’il faut procéder avec beaucoup de précautions.

Guillaume II, le 31 mars 1905 à Tanger

Le discours de l’Empereur est la raison directe de la crise de Tanger. Crise qui a duré toute une année, et pendant laquelle la France et l’Allemagne se sont disputés implacablement la question du Maroc. Les pourparlers franco-allemands instaurent une froideur dans l’échange bilatéral des pays, et provoquèrent la démission de Théophile Delcassé qui est alors le ministre français des affaires étrangères.

El-Hadj el-Mokri, ambassadeur du Maroc en Espagne, signe le traité lors de la conférence d'Algésiras, le 7 avril 1906 - Auteur inconnu | Domaine public
El-Hadj el-Mokri, ambassadeur du Maroc en Espagne, signe le traité lors de la conférence d’Algésiras, le 7 avril 1906 – Auteur inconnu | Domaine public

Ce n’est qu’en 1906 que le conflit, dont le Maroc est l’épicentre, est résolu, lorsque les États-Unis rentrent en scène et préconisent l’échange, ce qui donne lieu à la Conférence Internationale d’Algésiras. La conférence consistait en de nombreux échanges diplomatiques franco-allemands, sous le contrôle et la présence de 14 pays européens.

En avril 1905, la conférence place le Maroc sous l’observation européenne. Avec des perspectives d’internationaliser l’économie locale, la conférence a également légué à la France, l’Allemagne et l’Espagne des droits sur l’affaire du Maroc.

[1] « Un grand danger », La Dépêche de Toulouse, 19 septembre 1903, Pour la paix II, p. 33.

Quelques liens et sources utiles

Edouard Moha, Histoire des relations franco-marocaines, Picollec, 1995

Guillaume Denglos, La revue Maghreb (1932-1936) : Une publication franco-marocaine engagée (Histoire et perspectives méditerranéennes), L’Harmattan, 2015

Henri-Jean-Jules Mordacq, La guerre au Maroc : enseignements tactiques des deux guerres franco-marocaine 1844, Hachette Livre BNF, 2016

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