« Si Phileas Fogg (personnage fictif du roman de Jules Vernes, Le Tour du monde en quatre-vingts jours, 1872) a réussi à faire le tour du monde en 80 jours, moi je peux l’effectuer en 75 jours »
Voici qu’annonçait Nellie Bly, mais réussira-t-elle à relever ce défi ? Avant de répondre à cette question, il convient de présenter Nellie Bly, une journaliste, écrivaine et activiste américaine.
Naissance, enfance et adolescence
Nellie Bly, ou Elizabeth Jane Cochrane (son vrai nom), est née le 5 mai 1864 en Pennsylvanie (aux États-Unis). Après la mort de son père, lorsque Nellie n’a que six ans, sa mère se remarie pour subvenir aux besoins de ses enfants.
Son nouveau mari étant agressif, la mère décide enfin de demander le divorce au bout de quelques années et c’est à Nellie, âgée alors de 13 ans, de comparaître devant le juge comme témoin de la violence de son beau-père.
Cette expérience marque probablement la première occasion permettant à Nellie Bly de défendre une cause qui lui tient à cœur en se basant sur des faits réels et des arguments pertinents.
Lettre d’indignation et premier poste de rédactrice
Ainsi, vouant à ne pas se marier et à ne pas devenir une gouvernante comme la plupart des femmes de cette époque, elle décide d’intégrer une école d’institutrices à l’âge de 15 ans. Cependant, elle est contrainte de la quitter après quelques mois, faute de moyens financiers.
De retour chez sa mère, elle continue à écrire des poèmes en attendant de trouver un autre emploi et c’est grâce à un article publié dans le journal Dispatch qu’elle réussit enfin à décrocher un poste dans le même établissement.
En effet, l’article en question intitulé « À quoi servent les femmes ? » a tellement scandalisé Nellie qu’elle décide d’y réagir en écrivant une lettre au journal sous un pseudonyme. La lettre rédigée par Nellie ayant impressionné le directeur du journal Dispatch, il la publie accompagnée d’une invitation adressée à l’auteure lui demandant de visiter l’établissement.
Petit aparté, mais ce précédent paragraphe est représentatif de la situation des femmes dans l’histoire, mais aussi un miroir de ce qu’il reste à accomplir dans nos sociétés modernes. Pour vous ouvrir à cette histoire, nous vous conseillons l’article sur la créatrice du Monopoly, mais aussi la première programmeuse de l’histoire.
À la suite de cette visite, Nellie est embauchée en tant que rédactrice à Dispatch. Égale à elle-même, Nellie Bly défend les causes des femmes à travers ses articles en relatant les histoires des ouvrières dans les usines et leurs difficultés, ainsi que celles des femmes en instance de divorce malmenées par les tribunaux et les juges, entre autres.
Bien qu’excellents et appréciés des lecteurs, ses articles déplaisent aux propriétaires des usines et aux industriels qui finissent par menacer le directeur du journal. Ce dernier décide ainsi de reléguer Nellie à une rubrique annexe s’intéressant à la couture et au décor. Indignée, la journaliste démissionne et entreprend un voyage au Mexique où elle continue à s’insurger contre l’injustice en dénonçant l’emprisonnement d’un journaliste.
À la suite de menaces d’assassinat au Mexique, Nellie coupe court à son séjour et regagne son pays. Il est à noter que cette expérience lui a permis de publier son premier livre « Six months in Mexico » (Six mois au Mexique,1888).
Carrière au New York World
Incapable de reprendre sa rubrique habituelle au journal Dispatch, Nellie se tourne vers un autre journal connu de l’époque, à savoir le New York World. Le directeur de ce dernier lui confie un thème particulier sur lequel aucun autre journaliste ne veut travailler. Nellie doit rédiger un article sur les femmes internées dans les asiles psychiatriques pour être embauchée par le journal.
Pour ce faire, la journaliste passe la nuit dans une auberge et se comporte de manière inhabituelle pour faire croire à des inconnues qu’elle a perdu la raison et doit être internée. Ainsi, une fois dans l’asile psychiatrique, elle prend des notes de tout ce qu’elle voit et entend et discute également avec les autres femmes.
Néanmoins, au bout de dix jours, ne pouvant plus tolérer la maltraitance et les traitements cruels qu’elle subit et dont toutes les femmes sont victimes dans cet asile, elle demande à son patron de l’aider à quitter l’établissement.
Dès son retour au journal, Nellie publie son article décrivant la situation précaire voire inhumaine des patientes. Ce dernier fait la une de plusieurs journaux et contribue au changement des pratiques dans les asiles psychiatriques du pays. De plus, grâce à cet article, Nellie Bly devient la première journaliste femme d’investigation.
Tour du monde et notoriété
Grâce au succès des articles d’investigation de Nellie portant sur des problématiques sociales et politiques, le directeur du journal New York World finit par accepter le nouveau défi que la journaliste s’est lancée.
À l’instar du personnage principal de Jules Verne, Nellie veut faire le tour du monde seule. De plus, elle compte le réaliser en moins de 80 jours pour battre le record de Foggs, ce qui est considéré comme quasi-impossible pour les femmes de cette époque.
En dépit des délais et de la concurrence, Nellie, alors âgée de 25 ans, réussit non seulement à faire le tour le monde, mais elle réalise ce voyage en 72 jours. En effet, de départ le 14 novembre 1889, elle parcourt 40000 km et visite la France, l’Italie, l’Égypte, le Sri Lanka, le Singapour, Hong Kong et le Japon avant de retourner à son pays natal le 25 janvier 1890.
Cet exploit lui apporte une grande notoriété, lui permettant de continuer à travailler dans le journal New York World et de publier des livres, y compris un ouvrage intitulé « Around the World in Seventy-Two Days » (le tour du monde en 72 jours, 1890) résumant ses aventures et ses séjours dans chacun des pays qu’elle a visités.
Par ailleurs, elle abandonne le monde du journalisme, après son mariage quelques années plus tard, pour s’occuper des affaires de son mari (tombé malade et décédé peu après). Toutefois, elle revient à son métier vers 1913 et devient une fois de plus une pionnière dans son domaine. Nellie Bly assure le rôle d’une journaliste correspondante de guerre au cours de la Première Guerre mondiale.
En conclusion, tout comme au début de sa carrière, Nellie Bly continue à militer pour les droits des ouvriers et des femmes jusqu’à son décès d’une pneumonie à l’âge de 57 ans le 27 janvier 1922.
Quelques liens et sources utiles
Lapierre, A., & Mouchard, C. (2007). Elles ont conquis le monde : Les grandes aventurières 1850-1950. Arthaud.
Bly, N. (1877). Ten Days in a Mad-House. New York: Ian L. Munro, Publisher.
Bankston, J. (2014). Nellie Bly: Journalist. Infobase Learning.
2 Responses
Magnifique histoire, bravo. Nellie bly, une brave femme.
Merci 🙂