Découvrez comment les planisphères, véritables témoignages de l’époque moderne en Europe, ont évolué à travers l’espionnage, la rivalité et la découverte de nouvelles terres. Aujourd’hui objet design, ils étaient auparavant à la fois outils de navigation et symboles de pouvoir. Les planisphères ont redessiné notre compréhension du monde. Plongez dans la fascinante histoire de ces planisphères qui ont modelé notre vision de l’univers.
Les planisphères sont symboles de l’évolution de la cartographique
Les grandes découvertes de l’époque moderne
Notre série d’articles sur l’étude des planisphères se réalise sur une période courte mais néanmoins complexe, car source de grandes mutations, notamment du point de vue découverte, redécouverte et innovation.
Cela s’illustre par l’imprimerie mise en place par Johannes Gutenberg à partir de 1450, ou encore par le retour d’énormément d’œuvres antiques avec la chute de Constantinople et l’apparition de nouveaux courants de pensée. La redécouverte de ces travaux apporte des changements dans les pensées et la conception de la société pour certains penseurs de l’époque.
Dans ce cas, ce qui nous intéresse, c’est les apports importants de cette période dans le monde de la cartographie et de la navigation, permettant une évolution des planisphères.
Rétrospective de l’utilisation de planisphère dans l’histoire
La cartographie existe depuis l’Antiquité, mais nous n’évoquerons pas – volontairement – les traces de la cartographie avant les Grecs. Il est quand même nécessaire de signaler que dans les civilisations antiques du Proche-Orient et de l’Afrique du Sud, des traces de cartes sur papyrus ou bien sur tablettes d’argile ont été retrouvées et représentaient aussi bien la Terre que le Ciel.
Ératosthène (276-194 av. JC) est l’individu qui a grandement marqué la cartographie antique avec des travaux sur les méridiens et l’incidence du soleil en fonction de différents points géographiques sur la Terre. Au IIe siècle ap. JC, Ptolémée réalise plusieurs cartes de la Méditerranée, qui sont utilisées par la suite par les cartographes de l’époque moderne.
Les planisphères durant le moyen Moyen-Âge
Les travaux de Ptolémée ont été retrouvés au XVIe siècle et ont fortement touché le travail des cartographes et des scientifiques de l’époque moderne. Mis à part quelques cartes romaines se basant sur les routes de l’empire, il n’y a pas d’évolution fondamentale dans la science de la cartographie durant la fin de l’Antiquité. Le Moyen-Âge n’apporte pas non plus d’évolution à cette science. Les cartes du Moyen-Âge sont réalisées en recopiant des cartes antiques, sans forcément modifier les procédés.
Il existe cependant beaucoup de cartes, qui servent comme support à la réflexion religieuse ou bien philosophique, mais il n’y a aucune cohérence sur le plan géographique. Les distances ne sont pas respectées, ni même les localisations précises de ce qui doit être représenté.
Les outils étaient rudimentaires et hérités de l’Antiquité, du moins pour le bâton de Jacob et l’astrolabe. Grâce à ces outils, il est possible de connaître les longitudes et de placer plus ou moins précisément les ports sur les cartes. Ce sont les Portugais qui ont commencé à mettre en place ce type de carte, d’où leur appellation portulan. La fin du Moyen-Âge est marquée par l’augmentation des cartes qui répertorient les ports et les littoraux.
Les planisphères durant l’époque moderne
Cette période marque l’émergence de l’exploration de la Terre et la multiplication des contacts avec l’Afrique, l’Océanie, l’Asie et l’Amérique. L’époque moderne est aussi appelée l’Âge des découvertes.
Cette vague d’explorations est due à de nombreuses choses, mais nous pouvons souligner la raison économique. Les Européens cherchent de nouvelles routes commerciales vers la Chine et l’Inde depuis que l’Empire Ottoman bloque la route de la soie. Des innovations permettent également d’améliorer et de rendre plus sûres les longues explorations, comme la caravelle ou encore la démocratisation de l’astrolabe.
Les grands inventeurs, de Gemma Frisius à Gérard Mercator
L’un des grands inventeurs ou « améliorateurs » de la période est Gemma Frisius, qui, tout au long de sa vie, perfectionne, invente ou améliore des instruments de navigation comme l’astrolabe, l’équerre d’arpenteur, les anneaux astronomiques. Il propose également d’utiliser la méthode de la triangulation afin de localiser des lieux distants.
L’élève de Gemma Frisius, Gérard Mercator, est l’inventeur de la projection du même nom pour les terres du globe sous forme de planisphères (la projection de Mercator est toujours utilisée aujourd’hui). Les premiers planisphères ne pouvaient pas être utilisés pour mesurer des distances ou prévoir des expéditions, puisque pour la plupart, ils ne représentaient pas la sphéricité de la Terre.
La projection de Mercator trouve ses sources au XVIe siècle, et apporte une solution à ce problème, permettant d’utiliser ce support pour les expéditions et le calcul des latitudes. Les documents cartographiques de la période évoluent rapidement, grâce aux avancées techniques, aux nouvelles découvertes. Il y a par conséquent une disparition progressive des Terra Incognita sur les planisphères des grandes puissances européennes. Nous pouvons donc nous demander quelles sont les grandes évolutions qui s’opèrent au cours de l’époque moderne, sur le plan de la cartographie.
Nous y répondrons avec l’étude de quatre planisphères, sous forme de quatre articles : Alberto Cantino l’espion italien copieur de portulans ; Le premier planisphère avec projection de Mercator ; Le planisphère Nova Orbis Tabula in Lucem Edita des Hollandais et Une mappemonde français à l’intention du Roi.
Quelques liens et sources utiles
Auteur inconnu, Carta da navigar per le Isole nouam tr [ovate] in le parte de l’India: dono Alberto Cantino al S. Duca Hercole., Bibliothèque Estence de Modène, Italie, 1502
GerardusMercator, Nova et Aucta Orbis Terrae Descriptio ad Usum Navigantium Emendate Accommodata, Duisburg, 1569, BnF
Frederik de Wit, Nova Orbis Tabula in Lucem Edita, Amsterdam, entre 1660 et 1680, Bibliothèque royale de Belgique
Guillaume Delisle, Mappemonde a l’usage du Roy, Paris, 1720, BnF
PELLETIER, Monique. Science et cartographie au Siècle des lumières In : Cartographie de la France et du monde de la Renaissance au Siècle des lumières. Paris : Éditions de la Bibliothèque nationale de France, 2002
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BnF – Les cartes marines. http://expositions.bnf.fr/marine/arret/10-32.htm